Les astuces des entreprises pour choisir leurs serveurs
Le prix à mettre dans un serveur dépend du degré d’invincibilité qu’on en attend. Ses performances relèvent en revanche du bon choix des éléments dans telle ou telle situation.
Pour la chaîne de magasins Babou, choisir au composant près le contenu de ses serveurs, c’est d’abord une question de sauvegarde du chiffre
d’affaires. « Une panne de serveur pendant seulement une heure nous ferait perdre 200 000 euros de chiffre d’affaires. On ne badine pas avec de tels sujets » , lance David Legeay, le DSI du distributeur. Et pas question de confier son informatique à un prestataire externe, dont la maintenance est pourtant le métier. « Notre informatique est cloisonnée dans nos locaux car il y a sur notre marché, la distribution, une réelle menace d’espionnage entre les concurrents. » Selon lui, le fait que son Centre de données n’ait jamais connu de panne alors qu’il tourne en 24/7 est la preuve que lui et son équipe de quatre personnes s’y connaissent autant en serveur que les hébergeurs rompus à l’infogérance.
La marque conditionne le support, et non pas la qualité
En même temps, il assure avoir pris le must en matière de configuration pour assurer ses arrières. « Notre datacenter est équipé de racks FlexPod, une solution vendue conjointement par Cisco, NetApp et VMware où chaque lame serveur, chaque baie de stockage est testée avant d’être livrée. Chez les hébergeurs, soit ils prennent du bas de gamme de Dell ou HP, avec une machine testée sur dix, voire sur trente, soit ils assemblent eux-mêmes les serveurs pour gagner encore plus en prix au détriment de la robustesse » , assène-t-il. Un propos que veut corriger énergiquement Julien Mellul, le directeur technique des hébergeurs Oxyd et Ecritel : « Pour un parc de 500 serveurs physiques, comptez que une à deux machines tomberont en panne en une année, et ce, quelle que soit leur marque. » David Legeay avance qu’une marque de prestige lui assure un support efficace en cas de problème ; dans le cas du FlexPod, les trois marques Cisco, NetApp et VMware ont poussé la sophistication jusqu’à mettre en place un centre d’appel unique,
qui intervient pour un problème aussi bien matériel que logiciel. Julien Mellul, qui a choisi d’assembler lui-même des serveurs SuperMicro pour les clients d’Oxyd, se satisfait au contraire de pouvoir trouver de l’aide pour ses serveurs chez au moins cinq fournisseurs français agréés. Chez l’hébergeur Ikoula, le responsable des achats et de la production, Syphax Guemghar, ne jure quant à lui que par Dell et HP : « Car leurs ressources avantvente nous permettent de tester la robustesse de nouveaux produits avant qu’ils sortent » , juge-t-il.
Les pannes viennent du bloc d’alimentation
Pour Julien Mellul, plus la peine de se demander si telle ou telle marque a des soudures ou des connexions qui s’usent plus vite qu’ailleurs : « De nos jours, la cause de pratiquement toutes les pannes, c’est le bloc d’alimentation qui meurt » , assure-t-il. C’est ainsi qu’il en installe toujours un deuxième, pour que le second prenne le relais lorsqu’il faut changer le premier, sans éteindre le serveur. Il existe plusieurs niveaux de qualité pour les blocs d’alimentation. Julien Mellul
conseille de prendre le niveau Gold, avec 90 % de rendement énergétique. « En dessous, ils tombent en panne. Au- dessus, ils coûtent deux à trois fois plus cher pour à peine quelques points de pourcentage d’énergie consommée en moins » , analyse-t-il. L’autre cause possible de défaillance est
le disque dur, dont le moteur finit tôt ou tard par casser. « Il existe une solution radicale pour éviter cette panne : adopter des disques SSD. Avec leur mémoire Flash qui remplace la mécanique, ils sont incassables » , lance-t-il ! Christophe Guillarme, le DSI d’AB Télévision réfute cet argument : pour lui, ces disques restent chers et ont encore trop peu de capacité. Il préfère mettre dans ses serveurs des disques classiques en double, en mode RAID, là encore pour pouvoir remplacer à chaud celui qui dysfonctionne, sans perdre de données.
Le SSD est la clé de la performance
Voire. Selon Julien Mellul, le cas des besoins informatiques d’AB Télévision doit être traité à part : « Les éditeurs de médias ont besoin de plusieurs Teraoctets de capacité car ils stockent des vidéos. Mais dans la plupart des entreprises, le site web, les progiciels ainsi que les bases de données clients et catalogues se contentent largement d’un espace de stockage de moins de 100 Go. » Or, fait-il remarquer, les disques SSD étant financièrement compétitifs avec les disques mécaniques jusqu’à 500 Go, le commun des entreprises ne devrait plus hésiter à les préférer aux ancestrales unités magnétiques en SATA ou en SAS. Il dénonce d’ailleurs des caractéristiques “survendues ” de la part des fournisseurs : « Arrêtez de chercher des serveurs avec des connexions réseau en 10 Gbits hors de prix ! Nous hébergeons les sites de toutes les ambassades françaises du monde et je peux vous garantir que leur bande passante cumulée ne dépasse même pas les 100 Mbits, c’est- à- dire dix fois moins que les performances réseau possibles d’un seul serveur de base » , témoigne-t-il. En clair, à moins qu’elle impose à ses visiteurs le téléchargement en continue de fichiers lourds – le cas des diffuseurs de médias sur le Web –, une entreprise pourrait toujours se contenter du connecteur 1 Gbits par défaut sur les serveurs pour livrer de l’informations à des dizaines de milliers d’utilisateurs en même temps… Autre exemple : la course au processeur le plus puissant serait bien mois utile en termes de gain de performances que, encore une fois, le remplacement des disques durs mécaniques par des modèles Flash. « On se rend compte qu’en moyenne seuls 10 % de la puissance CPU sont utilisés par le client, quelle que soit la charge du serveur. En revanche, un disque Flash accélérera le fonctionnement d’une base de données par deux, par trois ou par quatre » , affirme Julien Mellul. Il préconise d’ailleurs d’opter par défaut pour le modèle de processeurs avec le moins de Gigahertz possible, pour économiser au maximum la consommation électrique. « La seule chose à regarder dans un processeur est le nombre de coeurs, car leur quantité conditionne le nombre de machines virtuelles que l’on va pouvoir exécuter simultanément sur un serveur physique » , conclut-il.
Configuration max pour dégainer plus vite de nouvelles activités
David Legeay a un avis contraire sur les Gigahertz. « Je choisis toujours de prendre la configuration processeur maximale pour mes serveurs. Cela nous a permis de déployer un nouveau service de cartes de fidélité en un mois, alors qu’il nous aurait fallu un an pour faire évoluer les processeurs de nos serveurs afin de supporter la charge supplémentaire » , se félicite-t-il. Et de préciser qu’insérer aussi le maximum de mémoire et de capacité disque dès le départ lui permet d’obtenir des prix plus intéressants que s’il les avait ajoutés par la suite. Au final, David Legeay paye ses serveurs ultra haut de gamme (lames Cisco B440 dotées de 40 coeurs en Xeon E7 et 1 To de mémoire chacune) plus de 10 000 € l’unité. Il a l’assurance qu’ils gèreront au doigt et à l’oeil les caisses enregistreuses de ses cent magasins pendant plus de cinq ans, et lui permettront de mettre tout de suite en production des fonctions non prévues au départ. À l’inverse, pour moins de 1 000 €, Julien Mellul parvient à assembler des serveurs rack 1U qui tiendront trois ans au maximum, mais qui suffiront amplement aux progiciels des PME avec leurs deux processeurs Xeon E5, leurs 24 Go de RAM et leurs deux disques SSD de 240 Go chacun en RAID 1.