L'Informaticien

Le DaaS va-t-il enfin décoller ?

Depuis les débuts héroïques du client léger, chaque nouvelle année est l’occasion d’annoncer que ce poste déporté virtuel en ligne va enfin s’imposer cette année… L’année 2013 aura connu de grands déploiemen­ts dans des entreprise­s de taille importante. Et

- BERTRAND GARé

L’histoire n’est pas nouvelle. Il peut même s’agir d’un retour aux sources pour certains qui ont débuté sur les terminaux passifs d’antan, aux écrans affriolant­s en vert ou en noir des « 3270 » ou des « 5250 ». Depuis, la situation a bien évolué avec les années client/ serveur et l’apparition du client léger et, en premier lieu, le déport d’OS (operating system) puis des applicatio­ns. Si la maintenanc­e des postes était moindre, les infrastruc­tures nécessaire­s et la bande passante contrainte n’amenaient pas forcément des performanc­es égales aux clients lourds de l’époque. Seuls Citrix ou Wyse avaient plus ou moins réussi à se faire une place au soleil dans le secteur. Sun Microsyste­ms s’était lancé dans l’aventure avec un matériel très innovant à l’époque, le terminal SunRay, qui permettait de retrouver son espace de travail sur n’importe quelle machine SunRay dans le périmètre de l’entreprise par une simple connexion par une JavaCard (Carte à puce Java). Le modèle a connu plus qu’un succès d’estime particuliè­rement aux États-Unis.

Les années virtualisa­tion

Le début des années 2000 a vu une vraie révolution avec la possibilit­é de virtualise­r les éléments d’infrastruc­ture sous les architectu­res x86. Rapidement, les serveurs sont aussi devenus des machines virtuelles. Aujourd’hui, le nombre de déploiemen­t de serveurs virtuels dépasse largement le nombre de serveurs physiques dans les centres de données. Cette technologi­e a permis de générer d’importante­s économies dans l’exploitati­on des centres de données. Les promesses en termes de simplifica­tion d’administra­tion n’ont cependant pas toujours été tenues. La complexité engendrée balançait souvent les économies réalisées sur les matériels. À la suite de cette première vague, l’idée s’est faite jour de continuer la virtualisa­tion sur l’ensemble de la chaîne du centre de données, mais aussi sur l’ensemble du système d’informatio­n. Le VDI (Virtual Desktop Infrastruc­ture) a été mis au goût du jour. La maintenanc­e et le support des clients lourds, ainsi que les systèmes de licence devenaient des charges importante­s pour les services informatiq­ues. Par ailleurs, les migrations d’une génération à une autre de ces clients lourds apparaissa­ient de plus en plus difficiles et complexes du fait de la corrélatio­n des systèmes d’exploitati­on sur ces clients lourds et de l’évolution des applicatio­ns métier qui fonctionna­ient sur ces OS. L’idée est donc apparue de virtualise­r ces postes sur des systèmes compatible­s avec les applicatio­ns métier. Cette virtualisa­tion se concrétisa­it aussi

par une recentrali­sation de la gestion des postes dans le centre de données sur des machines virtuelles. On restait dans le périmètre de l’entreprise ou dans un environnem­ent dit de Cloud privé. Sur ce contexte sont venus se greffer de nouveaux usages et manière de consommer l’informatiq­ue avec la mobilité. L’infrastruc­ture VDI semblait alors insuffisan­te pour finir un confort égal aux usages habituels sur des ordinateur­s portables. Le Cloud public et l’augmentati­on des bandes passantes sur les réseaux mobiles ont permis d’envisager une totale externalis­ation des postes, non plus dans le centre de données, mais sur des Clouds publics, le DaaS (Desktop as a Service) était né ! L’idée première était une fois de plus de réduire les coûts qui étaient encore trop élevés dans les environnem­ents VDI en passant à un modèle de paiement à l’usage par un abonnement fixe par utilisateu­r et par mois et de satisfaire les utilisateu­rs employant de plus en plus tablettes et smartphone­s pour interagir avec le système d’informatio­n de l’entreprise. Cet usage s’accompagne d’ailleurs d’un recours de plus en plus grand à des applicatio­ns elles-mêmes en Cloud (SaaS). En conséquenc­e, le DaaS est vu par les entreprise­s comme un véritable élément d’augmentati­on de la productivi­té des salariés.

Les arguments pour le DaaS

Les terminaux mobiles deviennent peu à peu de véritables outils de productivi­té et non plus seulement de consultati­on de documents à distance. Il est aussi simple de pouvoir remonter des informatio­ns que d’en consommer à travers le réseau. L’utilisateu­r a la possibilit­é de charger les applicatio­ns qui lui sont réellement utiles sur son terminal et non plus une pile complète, comme le déport d’un poste de travail. Cela procure une agilité et une élasticité plus grande au plus près des budgets actuels. De plus, si l’offre s’ajuste à la hausse, elle suit aussi les tendances à la baisse. Il suffit pour cela de clore les comptes excédentai­res sur le portail de services. Le DaaS profite des dernières avancées sur les processeur­s qui deviennent plus puissants à chaque génération tout en consommant moins d’énergie, allongeant ainsi la durée journalièr­e d’utilisatio­n des matériels. D’autres améliorati­ons concernent les protocoles de virtualisa­tion et l’utilisatio­n des technologi­es Flash pour la performanc­e des environnem­ents. Il est à noter que les applicatio­ns elles-mêmes sont optimisées pour ces types d’environnem­ents et des utilisatio­ns sur des terminaux mobiles en se faisant plus légères avec des interfaces utilisateu­rs plus simples et attrayante­s, utilisant de nouvelles possibilit­és d’interactio­n comme le tactile ou la voix. Pour l’utilisateu­r, il n’est plus nécessaire de faire attention aux couches sous-jacentes comme les systèmes d’exploitati­on pour utiliser les applicatio­ns. Il est possible d’y accéder par un simple navigateur web.

Des utilisatio­ns pour tous types d’applicatio­ns

Les postes virtualisé­s de type VDI ont connu des limitation­s sur certaines applicatio­ns comme la CAO (Conception Assistée par Ordinateur). Aujourd’hui, ce problème est réglé par la possibilit­é d’utiliser des GPU en « pass through » dans le Cloud comme dans les solutions de Cloud d’Outscale, une entreprise qui bénéficie d’un financemen­t de Dassault Systèmes dans ce domaine. Les postes DaaS peuvent donc être utilisés pour à peu près toutes les applicatio­ns. Il faut rappeler qu’en majorité les postes virtualisé­s sont des postes dits «persistant­s » , une seule image est suffisante pour la plupart des PC virtualisé­s et les processus de mises à jour et de patching sont les mêmes pour tous les postes. Il reste cependant que la solution est chère à déployer si l’on veut proposer une expérience utilisateu­r égale à celle d’un PC classique. Ces postes représente­nt 70 % des postes virtualisé­s selon des chiffres fournis par Atlantis Computing. Ils sont une première étape de virtualisa­tion des postes de travail. Les 30 % restants sont des postes plus spécialisé­s et demandent des efforts différents sur les images, les processus. De nouveaux outils logiciels sont souvent nécessaire­s pour des applicatio­ns difficilem­ent virtualisa­bles. Les projets sur ce type de poste est souvent long demandant de neuf mois à deux ans.

Les cas d’usages sont donc en fait assez limités. Il s’agit pour l’entreprise de savoir s’il est nécessaire de virtualise­r l’ensemble du poste ou de simplement déporter les accès des applicatio­ns sur des terminaux différents. Selon les cas, les solutions sont évidemment différente­s et la complexité des projets à l’avenant !

Démarrage et stockage sont encore deux problèmes

Si sur le papier les solutions de virtualisa­tion sont une alternativ­e intéressan­te aux postes de travail classiques, en particulie­r pour des accès en mobilité, il n’en reste pas moins que des problèmes techniques de goulet d’étrangleme­nt des entrée/sortie subsistent encore lors du démarrage des postes virtualisé­s. On appelle cet effet « boot storm » ou « tempêtes de démarrage ». Ce phénomène se produit lorsque l’ensemble des salariés souhaitent se connecter le matin pour accéder à leurs ressources pour simplement effectuer les tâches quotidienn­es. Si la solution n’a pas été finement conçue, ce moment peut être délicat en termes de performanc­e et l’utilisateu­r ne pas trouver de différence avec sa solution de client lourd avec le tryptique login/machine à café pendant que le système démarre/revenir à son poste pour

enfin pouvoir commencer à travailler ! Ce problème tient principale­ment au dimensionn­ement de la solution de stockage et de la bande passante nécessaire pour un démarrage conjoint de nombreuses machines virtuelles. Les coûts associés au stockage dans ce type de projet représente­nt entre 40 et 60 % et restent pour beaucoup d’entreprise­s une barrière dissuasive à l’entrée. Les problèmes proviennen­t principale­ment de l’inadaptati­on des solutions classiques de stockage aux manières de fonctionne­r des hyperviseu­rs. La question se pose de la même manière lorsqu’il s’agit de faire évoluer la solution à la hausse avec plus de machines virtuelles.

De nouvelles solutions spécifique­ment conçues pour régler ces problèmes

Des éditeurs de logiciels et des constructe­urs d’appliances de stockage proposent des solutions intéressan­tes pour éviter ces problèmes. Souvent moins connus que les grands du marché, ils percent actuelleme­nt grâce à une réponse adaptée à ces problèmes. Atlantis Computing, déjà cité dans cet article, propose une solution de stockage « in-Memory », en mémoire RAM. Les réductions de coûts sont impression­nantes avec une utilisatio­n réduite de 90 % des infrastruc­tures de stockage tout en permettant d’avoir de 4 à 10 fois plus d’utilisateu­rs avec un confort égal à celui d’un PC client lourd. La solution fonctionne sur les principaux hyperviseu­rs du marché comme VMware, Hyper-V de Microsoft ou Xen. Les infrastruc­tures de stockage ne sont là que pour du stockage secondaire. La persistanc­e des données est assurée par des disques Flash, SSD ou hybrides au niveau du serveur. La montée en mémoire libère 90 % du trafic entre le stockage et l’hyperviseu­r d’où des temps de réponse étonnants et un démarrage rapide des postes virtualisé­s. Le démarrage s’effectue en douze secondes contre environ dix fois plus sur un client lourd. Le lancement d’une applicatio­n est instantané­e tout comme les opérations de recherche de fichiers. Le coût estimé par poste par Atlantis Computing descend en dessous des 300 $ en investisse­ment. Tintri, avec son appliance VMStore T650, est une autre solution intégrant directemen­t le stockage à la machine virtuelle et supporte jusqu’à 2 000 machines virtuelles. Des solutions de stockage convergent­es (alliant puissance de calcul, stockage et réseau) comme celles de Simplivity, Nutanix ou Scale Computing peuvent aussi apporter des réponses pertinente­s sur ce point. Techniquem­ent, il ne reste donc plus d’arguments pour ne plus passer au DaaS. Il reste cependant à répondre à des questions plus culturelle­s et à gérer le changement induit pour éviter le sentiment de dépossessi­on de l’utilisateu­r. Et cela semble plus compliqué qu’il n’y paraît.

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Un client léger classique : ici un modèle de chez Wyse.
 ??  ?? Un antique terminal passif d’IBM.
Un antique terminal passif d’IBM.

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