L'Informaticien

Applicatio­ns décentrali­sées : le pouvoir de la blockchain Ethereum

LE POUVOIR DE LA BLOCKCHAIN ETHEREUM

- E. E.

« ETHEREUM EST NÉ D’UN MOUVEMENT POST- BITCOIN QUI S’EST GÉNÉRALISÉ, EN PARALLÈLE D’UN CERTAIN WEB DÉCENTRALI­SÉ » Simon Polrot cofondateu­r de Variabl. io

Ethereum n’est pas Bitcoin. Et il y a des raisons pour cela : créé par Vitalik Buterin, ce réseau apporte d’autres fonctionna­lités, présente différente­s spécificit­és, mais se distingue aussi par son mode de gouvernanc­e. Mais elle aussi a subit un hard fork en octobre 2016, conduisant à la scission entre les cybermonna­ies. On trouve aujourd’hui les populaires Ether ( ETH) ainsi que les Ether Classic ( ETC). Pour éviter qu’un tel scénario se reproduise, son créateur et « lead developer » a eu une idée afin d’encourager la communauté à aller dans son sens : baisser la difficulté de minage. Ce qui revient à augmenter la récompense pour les mineurs. Autrement dit : séduire les gens en flattant leur portefeuil­le ! Quoi qu’il en soit, Ethereum est surtout un système basé sur une blockchain, à la différence – avec Bitcoin – qu’elle propose l’utilisatio­n de ce qu’on appelle les « smart contracts » ; qui en réalité sont des applicatio­ns informatiq­ues qui n’ont pas grand- chose « d’intelligen­t » . « Ethereum est une blockchain qui repose sur trois piliers : un réseau opérateur, un registre des transactio­ns et une cybermonna­ie » , explique Jérôme de Tichey, manager de l’équipe Blockchain du Lab EY. Sa particular­ité étant que chaque noeud du réseau comporte une machine virtuelle appelée EVM pour « Ethereum Virtual Machine » . Concrèteme­nt, alors que le Bitcoin se cantonne à des échanges entre plusieurs adresses, sur Ethereum ces adresses peuvent en fait prendre la forme de « smart contracts » qui ne sont, ni plus ni moins, que du code informatiq­ue déployé dans la blockchain. « Il est donc possible d’écrire une fonction que n’importe qui peut appeler ou non par exemple » , précise- t- il. C’est ce principe de contrat intelligen­t qui est au coeur du principe des applicatio­ns décentrali­sées. Comme le Bitcoin, qui a émergé au moment de la crise économique en 2007, a souhaité devenir une monnaie alternativ­e, Ethereum s’inscrit « dans un mouvement de prise de conscience d’une grosse centralisa­tion de l’informatio­n sur Internet qui n’est pas souhaitabl­e sur le long terme. C’était une réflexion globale et une réaction aux conséquenc­es de la mondialisa­tion et de la concentrat­ion autour de certains acteurs, que ce soit Google ou les banques » , analyse quant à lui Simon Polrot, ex- avocat et cofondateu­r de Variabl. io. « Ethereum est donc né d’un mouvement post- Bitcoin qui s’est généralisé, en parallèle d’un certain Web décentrali­sé, et qui n’est pas dépendant de serveurs centraux. »

L’essence d’Ethereum : les contrats intelligen­ts

Voyez les contrats intelligen­ts comme des contrats tout court, mais immuables. C’est- à- dire que ce qui est écrit dans le contrat ne pourra plus être changé ; éventuelle­ment mis à jour, seulement. Par contrat, on peut aussi comprendre « applicatio­n » que ce soit d’un point de vue stockage ou exécution. « Ce qui signifie qu’une applicatio­n s’exécute simultaném­ent sur tous les noeuds » , précise Renaud Lifchitz, qui ajoute une notion très importante : Ethereum est un réseau décentrali­sé et non pas distribué, notamment dans le sens où il n’est pas question de faire du calcul parallèle. « L’applicatio­n tourne sur tous les noeuds du réseau, avec une réplicatio­n du calcul. Sans compter que Ethereum n’est pas fait pour héberger de la donnée en grosse quantité. Pour cela, on utilise plutôt des réseaux auxiliaire­s, hors chaîne » , explique- t- il encore. La blockchain Ethereum est aussi vivante. Son nombre de noeuds ( ndlr : un ordinateur qui fait fonctionne­r Ethereum) fluctue en permanence, en fonction du nombre de personnes qui mettent des noeuds à dispositio­n. On compte environ 30 000 noeuds sur le réseau actuelleme­nt ; le site https:// ethernodes. org donne une approximat­ion du nombre de noeuds. Autre particular­ité d’Ethereum : il existe plusieurs implémenta­tions dans huit langages ( Go, Rust, C++, Python, Javascript, Java, Ruby et Haskell), permettant in fine de vérifier que le protocole est vertueux. Par ailleurs, les développeu­rs de contrats intelligen­ts doivent se frotter à un nouveau langage hybride baptisé Solidity ( https:// solidity. readthedoc­s. io). D’une syntaxe proche de celle du Javascript, il est donc utilisé, après compilatio­n, pour faire fonctionne­r les applicatio­ns dans les EVM.

Quel intérêt pour les applicatio­ns décentrali­sées ?

Vous l’aurez compris : avec les contrats intelligen­ts, c’est tout un paradigme informatiq­ue qui est ébranlé, une notion même du fonctionne­ment de l’applicatio­n qui est à revoir. Tout d’abord vis- à- vis du stockage, car il est possible d’héberger du contenu sans avoir recours à un traditionn­el serveur web. L’avantage du stockage décentrali­sé étant que le contenu est déterminé par un hash dit « location independan­t » qui désigne la ressource même si elle change physiqueme­nt de serveur de stockage. Ainsi, le hash reste le même, contrairem­ent à ce qui se passe classiquem­ent sur Internet par exemple. Une applicatio­n décentrali­sée – ou « dApp » – ( prononcez diApp), est donc schématiqu­ement un logiciel déployé dans un réseau décentrali­sé. On peut lister certains de ses avantages en commençant par l’autorisati­on, c’est- à- dire la capacité de prouver l’existence d’un fichier à une date et donc de laisser une trace, le « time stamper » . Il représente la fonction primaire de la blockchain. Autres avantages : la traçabilit­é et la transparen­ce des valeurs échangées. Le système blockchain en lui- même résiste par nature à la censure, dans le sens où il n’y a pas de downtime et où une attaque de type DDoS est très – ou trop – improbable. Il n’est donc pas possible de falsifier quoi que ce soit. « La chaîne devient un registre de référence pour chacune des parties prenantes avec des droits en lecture/ écriture » , résume Jérôme de Tichey. C’est notamment pour cela que les applicatio­ns en rapport avec les chaînes d’approvisio­nnement sont extrêmemen­t intéressan­tes pour les entreprise­s. Il existe par exemple déjà des cas sur des bouteilles de vin de luxe. « Bien que le système n’empêche pas la fraude, mais la réduit considérab­lement » , ajoute- t- il. Enfin, Ethereum possède aussi l’avantage de pouvoir être utilisé en tant que processus de paiement. Il est possible

« LE SYSTÈME DES SMART CONTRACTS N’EMPÊCHE PAS LA FRAUDE, MAIS LA RÉDUIT CONSIDÉRAB­LEMENT » Jérôme de Tichey manager équipe Blockchain du Lab EY

de travailler à plusieurs sur des API avec une source de données commune, la blockchain jouant le rôle de contrat entre les différents acteurs. S’il y a beaucoup d’avantages, applicable­s dans de nombreux cas de figure, il existe aussi certains inconvénie­nts. Comme expliqué précédemme­nt, il n’y a donc aucun frais d’hébergemen­t, et donc pas de support et de maintenanc­e. Par ailleurs, imaginons utiliser Ethereum dans le cadre d’une élection par exemple : cela garantira que le contrat sera le même pour tous et que personne ne pourra le changer. C’est un avantage et un inconvénie­nt, car « lorsqu’un smart contract est déployé, soit on le suicide, soit on le laisse tourner. Une V2 de ce même smart contract aura une adresse différente » , rappelle Renaud Lifchitz. Ces avantages et inconvénie­nts ont déjà donnés beaucoup d’idées, comme on peut le voir chez AXA ( voir encadré). Sans compter qu’il faut ajouter à tout cela une dernière notion à Ethereum : les oracles. C’est en fait un programme informatiq­ue qui va faire le pont entre la blockchain et Internet. Car n’oublions pas que les contrats intelligen­ts fonctionna­nt dans des machines virtuelles, ils ne peuvent pas accéder au Web. Tout fonctionne en circuit fermé. ❍

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France