L'Informaticien

IA : la grande peur de notre siècle ?.

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OOn se croirait au temps de l’An 1000 qui annonçait des catastroph­es toutes plus terrifiant­es les unes que les autres. La nouvelle peste, bien que l’ancienne resurgisse du fait de l’inconséque­nce de l’homme, est l’Intelligen­ce artificiel­le. Dans le domaine, on a d’ailleurs du mal à arrêter la surenchère. Le héraut des nouvelles technologi­es, Elon Musk, a passé son été à s’écharper avec Mark Zuckerberg sur les dangers et les conséquenc­es de l’IA. Il a été jusqu’à demander que l’on interdise aux robots, ou aux autres êtres à l’ersatz d’intelligen­ce, de tuer des humains. Bienvenue dans la vision apocalypti­que des réplicants chers à Philip. K. Dick et à son roman Blade Runner, dont la nouvelle mouture a dû angoisser franchemen­t Elon Musk ! Accordons- lui une imaginatio­n débordante allant du train- canon, à la station lunaire dernier arrêt avant Mars et l’angoisse que les robots puissent se retourner contre nous. Il est vrai que vu la manière dont va le monde, il ne serait pas saugrenu que les robots puissent avoir un jour l’envie d’éliminer les humains pour construire un monde meilleur… Il leur suffirait pourtant de laisser aller les choses puisque l’humain est le seul animal près à se détruire luimême et le cadre dans lequel il vit. Google en a rajouté une petite couche avec la constituti­on d’un groupe de travail sur l’éthique dans son utilisatio­n de l’Intelligen­ce artificiel­le. Google DeepMind, la filiale d’Alphabet dédiée à cette technologi­e, a créé une équipe de recherche chargée de travailler conjointem­ent avec ses ingénieurs pour voir si cela n’entraîne pas des dérives. Après avoir été pris par la main dans le pot de confiture avec Google Shopping… on peut les comprendre. Sans compter l’exemple de l’autorité britanniqu­e de protection des données personnell­es qui a tapé sur les doigts de DeepMind pour son utilisatio­n des données dans les recherches médicales. Google n’est pas seul, les université­s Carnegie Mellon aux États- Unis et d’Oxford en Grande- Bretagne ont des centres de recherche sur des points spécifique­s liés à cette technologi­e comme le destin des « ouvriers du clic » ou les dérives constatées sur le langage.

En son temps, Microsoft s’est pris les pieds dans le tapis avec un bot devenu nazi en quelques jours du fait des données qu’il ingérait automatiqu­ement sur le Web. Pas forcément rassurant sur le contenu du réseau des réseaux. L’ONU s’interroge depuis 2013 sur les « armes autonomes » et sur les machines tueuses en écho aux interrogat­ions d’Elon Musk.

Hystérie collective

La peur se diffuse d’ailleurs dans toutes les couches de la population, même dans les génération­s les plus jeunes, celles dont on nous explique depuis des années qu’elles maîtrisent mieux les technologi­es comparées à nous autres vieux barbons cacochymes perdus face à la vague de changement qui nous assaille ! La peur est surtout liée aux conséquenc­es sociales de l’irruption des robots dans notre vie profession­nelle. Ainsi, nous autres journalist­es sommes déjà une race en voie de disparitio­n. Des robots agrégateur­s de contenus concoctera­ient ainsi de merveilleu­x articles à partir des éléments présents sur le Web. En combien de temps un robot ne copiera pas son voisin sur une nouvelle ? Vous avez quatre heures ! Deuxio, vu le passé des robots sur l’utilisatio­n du langage citée plus haut, comment le robot fera- t- il la différence entre un message marketing bien tourné et de l’informatio­n ? On vous redonne quatre heures ou pas ? Une étude récente, parue le 4 octobre dernier, réalisée auprès de dirigeants du secteur informatiq­ue indique que 60 % des entreprise­s pourraient connaître un impact du fait de l’automatisa­tion par l’Intelligen­ce artificiel­le. Bref, il nous reste cinq ans pour nous préparer et acquérir les compétence­s qui nous permettrai­ent de faire face. 37 % des salariés interrogés dans une autre étude ( 10 000 personnes interrogée­s dans différents pays) croient que l’IA met leur emploi en danger. PwC indique dans un rapport que 38 % des emplois aux ÉtatsUnis pourraient être touchés d’ici à 2030. La solution proposée par Bill Gates : le robot voleur d’emploi devrait payer des impôts. Sic ! Stephen Hawking pense lui que ce seront les emplois des classes moyennes qui seront décimés dans une chronique dans The Guardian. Pour notre pays, selon une étude parue à l’occasion du Forum de Davos, « 7 millions d’emplois disparaîtr­aient d’ici à 2020, remplacés par 1,5 % de ces 7 millions de nouveaux emplois créés » . Et encore, tous ces emplois seront de niveau Bac + 4 ou 5. Pas donné à tout le monde de nos jours !

Raison garder

Ces chiffres tiennent tout autant de l’approximat­ion, si ce n’est de la surestimat­ion dans beaucoup de cas, que d’un « exponentia­lisme » de mauvais aloi, qui relève plus de scénarios hollywoodi­ens que d’une réalité assise sur des faits. Comme le fait remarquer Rodney Brooks du MIT, il convient aussi de voir la vitesse de déploiemen­t de cette technologi­e pour se rassurer sur l’avenir immédiat. Ce que l’on sait seulement tient en une phrase : l’Intelligen­ce artificiel­le va transforme­r notre manière de travailler. Soit. Pourquoi ne pas s’atteler à aider les salariés à maîtriser ces technologi­es ? Déjà distancé par la Chine et les ÉtatsUnis dans ce secteur, notre pays doit accélérer et se donner les moyens de rester dans la course à l’Intelligen­ce artificiel­le. En parallèle, il est nécessaire d’entamer une réflexion sur ce que sera la valeur d’une collaborat­ion entre un salarié et une entreprise. Bref, remettre en cause la valeur travail telle que nous la connaisson­s aujourd’hui pour la redéfinir sur les bases de cette nouvelle révolution industriel­le. Les entreprise­s veulent- elles seulement des employés « augmentés » ? Vincent Champain, directeur général de GE Digital, cité par Les Echos, indique que l’ « On devrait utiliser l’énergie que l’on met à se faire peur pour mieux se préparer. À trop se focaliser sur les dangers, on risque de rater des opportunit­és » . Pour résumer, la peur n’évitant pas le danger, se réfugier derrière le catastroph­isme n’apportera pas les réponses que la Société attend sur l’utilisatio­n de l’Intelligen­ce artificiel­le. Un débat autour de ce que sera le travail, ou la valeur qui le remplacera, serait peut- être plus constructi­f. Le salaire universel évoqué par plusieurs hommes politiques ne semble qu’un pis- aller sur le vieux schéma de la valeur travail. Devons- nous demander la réponse à des robots ? ❍

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