La DSI et la DRH enterrent la hache de guerre
Après des années de relation compliquée, DRH et DSI auraient trouvé le chemin de la paix et de la collaboration. Les projets de transformation numérique rendent leur coopération incontournable et les solutions RH en mode SaaS ont simplifié la relation. Ma
La relation entre la DRH et la DSI a longtemps été difficile, parfois même conflictuelle. Ces deux principales fonctions support de l’entreprise sont en première ligne pour gérer certains mécontentements des salariés sur leurs conditions de travail, notamment les critiques portant sur les outils numériques. « Souvent, les dysfonctionnements ou l’inadéquation des outils numériques sont remontés par les collaborateurs à la DRH qui fait ensuite pression sur la DSI pour trouver des solutions » , observe Pascal Baratoux, Director Business Relationship Management, chez ADP, éditeur américain de solutions de gestion du capital humain ( HCM). Autant dire que ce schéma n’est pas de nature à pacifier la relation. Autres points de friction : la DRH peut parfois reprocher à la DSI de méconnaître les besoins opérationnels de l’entreprise. À l’inverse, la DSI peut estimer que la DRH ne maîtrise pas assez bien les contraintes techniques du SI. « Certaines DSI traitaient la DRH comme la cinquième roue du carrosse pour la fourniture d’outils numériques. Cela explique que la majorité des DRH se sont tournés vers des solutions RH en mode SaaS, achetées auprès de prestataires externes, sans forcément passer par la DSI » , explique Joël Bentolila, co- fondateur et CTO de Talentsoft, éditeur de solutions de « gestion de talents » en mode SaaS. « Mais aujourd’hui c’est fini. Ils collaborent beaucoup mieux, y compris pour la mise en place de solutions cloud. La DSI accompagne la DRH dans le choix des prestataires externes et traite des questions de sécurité des données personnelles, ainsi que de l’interface de la solution SaaS avec le reste du SI » , souligne le responsable. Un avis nuancé par le cabinet de conseil SynapsCore, qui a coréalisé fin 2016 une étude sur l’évolution de la relation entre DRH et DSI( 1). « La relation s’améliore en effet, mais il reste encore beaucoup à faire » , estime Serge Geoffroy, son fondateur. « Nous avons demandé à une quarantaine de DSI et DRH français d’autoévaluer leur collaboration. Et la note globale est seulement de 11/ 20. Ce n’est pas une bonne note, surtout pour une autoévaluation. »
La transformation numérique rapproche DRH et DSI
Il reste donc beaucoup de chemin à faire avant que les deux directions collaborent de manière totalement optimale. Mais la multiplication
La transformation numérique s’accompagne d’une évolution de la culture d’entreprise Pascal Baratoux, Director Business Relationship Management chez ADP
des projets de transformations numérique devrait accélérer leur rapprochement. « Les projets de transformation digitale qui se déroulent le mieux sont ceux où la DRH et la DSI marchent main dans la main » , observe ainsi Geoffroy de Lestrange, responsable marketing produit EMEA chez Cornerstone, éditeur californien de solutions HCM. Même son de cloches chez Télécom Ecole de Management, qui a coréalisé l’étude de 2016 avec Synapscore. « Pour mener à bien un projet de transformation digitale, la collaboration entre DRH et DSI est primordiale » , estime ainsi Emmanuel Baudoin, professeur associé en ressources humaines. « La transformation digitale requiert, notamment, de nouveaux talents que la DRH et la DSI doivent trouver ensemble sur le marché, ou former en interne, par exemple autour de la data, de l’innovation, du management, du changement » , souligne l’enseignant. La transformation numérique est à la convergence des deux domaines. Elle possède bien entendu une dimension technique, avec la mise en place de nouveaux outils numériques, ce qui reste le coeur de métier de la DSI. Mais elle passe aussi par un changement d’organisation de l’entreprise, en cassant les silos pour développer de la transversalité. Et cette réorganisation est bien une problématique RH. « La transformation numérique s’accompagne d’une évolution de la culture d’entreprise, et c’est un domaine RH historique » , rappelle ainsi Pascal Baratoux chez ADP.
Développer ensemble l’ « expérience collaborateur »
Un des objectifs de la transformation numérique est d’améliorer l’ « expérience collaborateur » . Ce vocable regroupe l’ensemble des expériences vécues par un
salarié, au sein de la société, du recrutement jusqu’à la séparation. De la qualité de cette expérience dépend bien entendu le « bien- être au travail » , mais aussi la performance du collaborateur. Elle permet de retenir les talents, mais aussi d’en recruter de nouveaux. Cette question de l’expérience collaborateur est encore très souvent gérée par les RH. Mais elle peut tout à fait constituer un projet commun de la DRH et de la DSI. Et, dans certains cas, l’IT pourrait même piloter ce projet commun. Telle est la principale conclusion d’une récente étude de la société américaine Fuze( 2), spécialisée dans les communications unifiées en mode cloud. Selon cette enquête, 52 % des DSI français pensent que l’expérience des salariés est un « enjeu majeur » pour leurs équipes ; devant la fixation des objectifs du département IT ( 50 %), ou encore l’investissement dans les nouvelles technologies ( 49 %). « I l ne s’agit pas d’opposer les ressources humaines aux DSI mais plutôt de comprendre comment ils peuvent assurer ensemble une bonne expérience à leurs utilisateurs avec les bons outils à mettre en place pour leur faciliter la tâche » , résume Marc Zakher, directeur régional Europe du Sud de Fuze. « Les DSI ne vont pas occuper un rôle de RH classique tel que l’intégration, la formation, le bien- être, la recherche de candidats… mais plutôt jouer un rôle d’accompagnement technologique » , poursuit- il. Un avis partagé par Geoffroy de Lestrange, chez Cornerstone : « La dimension digitale joue un rôle prépondérant dans l’expérience employé, la DSI doit donc s’approprier ce sujet. » Un des principaux objectifs de cette amélioration de l’expérience collaborateur est d’offrir aux salariés un niveau de services au moins équivalent à ce dont ils disposent chez lui. La DSI et la DRH doivent donc travailler ensemble dans ce sens, afin de « réconcilier bureau et maison » . « Lorsque nous interrogeons les salariés, la moitié d’entre eux estiment que la technologie qu’ils utilisent au travail est dépassée par rapport à celle de leur vie personnelle » , poursuit Marc Zakher. « Il est donc crucial de repenser les choix technologiques pour proposer aux salariés des outils et des applications leur garantissant une expérience aussi riche que celle à laquelle ils sont habitués en dehors de l’entreprise. »
Projets communs, outils collaboratifs et postes pivots
Quels sont les principaux leviers pour favoriser la collaboration entre DSI et DRH ? Selon les professionnels du secteur, il faut tout d’abord que cette entente soit initiée, ou du moins accompagnée, par la direction générale. C’est le cas par exemple chez SNCF Réseau, dont la direction a
La transformation digitale requiert, notamment, de nouveaux talents que la DRH et la DSI doivent trouver ensemble Emmanuel Baudoin, professeur RH associé
La dimension digitale joue un rôle prépondérant dans l’expérience employée, la DSI doit donc s’approprier ce sujet Geoffroy de Lestrange, responsable marketing produit Emea de Cornerstone
insufflé le rapprochement des deux directions dans le cadre du projet de transformation digitale de l’entreprise ( lire encadré ci- contre). Autre levier : se lancer dans un premier projet à la convergence des missions de la DRH et de la DSI. Parmi les exemples de projets « fédérateurs » : la mise en place d’outils collaboratifs pour les salariés, le développement du télétravail ou encore la mise en conformité avec le futur règlement européen sur la protection des données ( RGPD). Enfin, la création d’un poste pivot faisant le lien entre la DSI et la DRH est une solution de plus en plus prisée. Il peut s’agir d’un représentant RH au sein de la DSI. Ou à l’inverse, d’un représentant IT au sein de la DRH. « Nous observons un développement de ce nouveau poste, surtout dans les grandes entreprises » , confie Serge Dautrif de SynapsCore. « Il faut un profil de médiateur, qui ne vient pas forcément de la DRH ou de la DSI,
mais d’autres départements. On retrouve par exemple à ce type de poste des directeurs de projet industriel. Leur rôle va être de trouver un langage commun entre DSI et DRH, de synchroniser les cycles de travail entre les deux directions, de s’assurer que les attentes respectives sont bien comprises et ensuite que les engagements sont tenus des deux côtés. » Un poste qui peut être passionnant mais pas toujours de tout repos, comme toute fonction de médiation, conclut- on chez SynapsCore.
À la clé : des avantages directs pour le DSI
Les bénéfices de cette meilleure relation entre DSI et DRH sont nombreux. Le principal reste de gagner en efficacité. « Le premier bénéfice de cette collaboration est un gain de temps considérable » , souligne ainsi Nicolas Juvin- Piron, DRH adjoint de GFI Informatique ( lire l’encadré). L’amélioration de l’expérience collaborateur est également un avantage régulièrement cité par les professionnels du secteur. Cette entente est également bénéfique pour les besoins spécifiques de la DSI en nouvelles compétences. « Les métiers de la DSI évoluent rapidement et nous avons régulièrement besoin de nouvelles compétences. Pour les recrutements, comme pour la formation, une étroite collaboration avec la DRH est donc un avantage » , souligne Rémy Berthou, DSI de SNCF Réseau. Cette direction informatique du groupe SNCF avait par exemple une vingtaine de recrutements en attente. Le rapprochement avec la DRH a permis de débloquer la situation et « les recrutements sont aujourd’hui tous réalisés » , conclut le DSI de SNCF Réseau. ❍