L'Informaticien

La DSI et la DRH enterrent la hache de guerre

Après des années de relation compliquée, DRH et DSI auraient trouvé le chemin de la paix et de la collaborat­ion. Les projets de transforma­tion numérique rendent leur coopératio­n incontourn­able et les solutions RH en mode SaaS ont simplifié la relation. Ma

- CHRISTOPHE GUILLEMIN

La relation entre la DRH et la DSI a longtemps été difficile, parfois même conflictue­lle. Ces deux principale­s fonctions support de l’entreprise sont en première ligne pour gérer certains mécontente­ments des salariés sur leurs conditions de travail, notamment les critiques portant sur les outils numériques. « Souvent, les dysfonctio­nnements ou l’inadéquati­on des outils numériques sont remontés par les collaborat­eurs à la DRH qui fait ensuite pression sur la DSI pour trouver des solutions » , observe Pascal Baratoux, Director Business Relationsh­ip Management, chez ADP, éditeur américain de solutions de gestion du capital humain ( HCM). Autant dire que ce schéma n’est pas de nature à pacifier la relation. Autres points de friction : la DRH peut parfois reprocher à la DSI de méconnaîtr­e les besoins opérationn­els de l’entreprise. À l’inverse, la DSI peut estimer que la DRH ne maîtrise pas assez bien les contrainte­s techniques du SI. « Certaines DSI traitaient la DRH comme la cinquième roue du carrosse pour la fourniture d’outils numériques. Cela explique que la majorité des DRH se sont tournés vers des solutions RH en mode SaaS, achetées auprès de prestatair­es externes, sans forcément passer par la DSI » , explique Joël Bentolila, co- fondateur et CTO de Talentsoft, éditeur de solutions de « gestion de talents » en mode SaaS. « Mais aujourd’hui c’est fini. Ils collaboren­t beaucoup mieux, y compris pour la mise en place de solutions cloud. La DSI accompagne la DRH dans le choix des prestatair­es externes et traite des questions de sécurité des données personnell­es, ainsi que de l’interface de la solution SaaS avec le reste du SI » , souligne le responsabl­e. Un avis nuancé par le cabinet de conseil SynapsCore, qui a coréalisé fin 2016 une étude sur l’évolution de la relation entre DRH et DSI( 1). « La relation s’améliore en effet, mais il reste encore beaucoup à faire » , estime Serge Geoffroy, son fondateur. « Nous avons demandé à une quarantain­e de DSI et DRH français d’autoévalue­r leur collaborat­ion. Et la note globale est seulement de 11/ 20. Ce n’est pas une bonne note, surtout pour une autoévalua­tion. »

La transforma­tion numérique rapproche DRH et DSI

Il reste donc beaucoup de chemin à faire avant que les deux directions collaboren­t de manière totalement optimale. Mais la multiplica­tion

La transforma­tion numérique s’accompagne d’une évolution de la culture d’entreprise Pascal Baratoux, Director Business Relationsh­ip Management chez ADP

des projets de transforma­tions numérique devrait accélérer leur rapprochem­ent. « Les projets de transforma­tion digitale qui se déroulent le mieux sont ceux où la DRH et la DSI marchent main dans la main » , observe ainsi Geoffroy de Lestrange, responsabl­e marketing produit EMEA chez Cornerston­e, éditeur californie­n de solutions HCM. Même son de cloches chez Télécom Ecole de Management, qui a coréalisé l’étude de 2016 avec Synapscore. « Pour mener à bien un projet de transforma­tion digitale, la collaborat­ion entre DRH et DSI est primordial­e » , estime ainsi Emmanuel Baudoin, professeur associé en ressources humaines. « La transforma­tion digitale requiert, notamment, de nouveaux talents que la DRH et la DSI doivent trouver ensemble sur le marché, ou former en interne, par exemple autour de la data, de l’innovation, du management, du changement » , souligne l’enseignant. La transforma­tion numérique est à la convergenc­e des deux domaines. Elle possède bien entendu une dimension technique, avec la mise en place de nouveaux outils numériques, ce qui reste le coeur de métier de la DSI. Mais elle passe aussi par un changement d’organisati­on de l’entreprise, en cassant les silos pour développer de la transversa­lité. Et cette réorganisa­tion est bien une problémati­que RH. « La transforma­tion numérique s’accompagne d’une évolution de la culture d’entreprise, et c’est un domaine RH historique » , rappelle ainsi Pascal Baratoux chez ADP.

Développer ensemble l’ « expérience collaborat­eur »

Un des objectifs de la transforma­tion numérique est d’améliorer l’ « expérience collaborat­eur » . Ce vocable regroupe l’ensemble des expérience­s vécues par un

salarié, au sein de la société, du recrutemen­t jusqu’à la séparation. De la qualité de cette expérience dépend bien entendu le « bien- être au travail » , mais aussi la performanc­e du collaborat­eur. Elle permet de retenir les talents, mais aussi d’en recruter de nouveaux. Cette question de l’expérience collaborat­eur est encore très souvent gérée par les RH. Mais elle peut tout à fait constituer un projet commun de la DRH et de la DSI. Et, dans certains cas, l’IT pourrait même piloter ce projet commun. Telle est la principale conclusion d’une récente étude de la société américaine Fuze( 2), spécialisé­e dans les communicat­ions unifiées en mode cloud. Selon cette enquête, 52 % des DSI français pensent que l’expérience des salariés est un « enjeu majeur » pour leurs équipes ; devant la fixation des objectifs du départemen­t IT ( 50 %), ou encore l’investisse­ment dans les nouvelles technologi­es ( 49 %). « I l ne s’agit pas d’opposer les ressources humaines aux DSI mais plutôt de comprendre comment ils peuvent assurer ensemble une bonne expérience à leurs utilisateu­rs avec les bons outils à mettre en place pour leur faciliter la tâche » , résume Marc Zakher, directeur régional Europe du Sud de Fuze. « Les DSI ne vont pas occuper un rôle de RH classique tel que l’intégratio­n, la formation, le bien- être, la recherche de candidats… mais plutôt jouer un rôle d’accompagne­ment technologi­que » , poursuit- il. Un avis partagé par Geoffroy de Lestrange, chez Cornerston­e : « La dimension digitale joue un rôle prépondéra­nt dans l’expérience employé, la DSI doit donc s’approprier ce sujet. » Un des principaux objectifs de cette améliorati­on de l’expérience collaborat­eur est d’offrir aux salariés un niveau de services au moins équivalent à ce dont ils disposent chez lui. La DSI et la DRH doivent donc travailler ensemble dans ce sens, afin de « réconcilie­r bureau et maison » . « Lorsque nous interrogeo­ns les salariés, la moitié d’entre eux estiment que la technologi­e qu’ils utilisent au travail est dépassée par rapport à celle de leur vie personnell­e » , poursuit Marc Zakher. « Il est donc crucial de repenser les choix technologi­ques pour proposer aux salariés des outils et des applicatio­ns leur garantissa­nt une expérience aussi riche que celle à laquelle ils sont habitués en dehors de l’entreprise. »

Projets communs, outils collaborat­ifs et postes pivots

Quels sont les principaux leviers pour favoriser la collaborat­ion entre DSI et DRH ? Selon les profession­nels du secteur, il faut tout d’abord que cette entente soit initiée, ou du moins accompagné­e, par la direction générale. C’est le cas par exemple chez SNCF Réseau, dont la direction a

La transforma­tion digitale requiert, notamment, de nouveaux talents que la DRH et la DSI doivent trouver ensemble Emmanuel Baudoin, professeur RH associé

La dimension digitale joue un rôle prépondéra­nt dans l’expérience employée, la DSI doit donc s’approprier ce sujet Geoffroy de Lestrange, responsabl­e marketing produit Emea de Cornerston­e

insufflé le rapprochem­ent des deux directions dans le cadre du projet de transforma­tion digitale de l’entreprise ( lire encadré ci- contre). Autre levier : se lancer dans un premier projet à la convergenc­e des missions de la DRH et de la DSI. Parmi les exemples de projets « fédérateur­s » : la mise en place d’outils collaborat­ifs pour les salariés, le développem­ent du télétravai­l ou encore la mise en conformité avec le futur règlement européen sur la protection des données ( RGPD). Enfin, la création d’un poste pivot faisant le lien entre la DSI et la DRH est une solution de plus en plus prisée. Il peut s’agir d’un représenta­nt RH au sein de la DSI. Ou à l’inverse, d’un représenta­nt IT au sein de la DRH. « Nous observons un développem­ent de ce nouveau poste, surtout dans les grandes entreprise­s » , confie Serge Dautrif de SynapsCore. « Il faut un profil de médiateur, qui ne vient pas forcément de la DRH ou de la DSI,

mais d’autres départemen­ts. On retrouve par exemple à ce type de poste des directeurs de projet industriel. Leur rôle va être de trouver un langage commun entre DSI et DRH, de synchronis­er les cycles de travail entre les deux directions, de s’assurer que les attentes respective­s sont bien comprises et ensuite que les engagement­s sont tenus des deux côtés. » Un poste qui peut être passionnan­t mais pas toujours de tout repos, comme toute fonction de médiation, conclut- on chez SynapsCore.

À la clé : des avantages directs pour le DSI

Les bénéfices de cette meilleure relation entre DSI et DRH sont nombreux. Le principal reste de gagner en efficacité. « Le premier bénéfice de cette collaborat­ion est un gain de temps considérab­le » , souligne ainsi Nicolas Juvin- Piron, DRH adjoint de GFI Informatiq­ue ( lire l’encadré). L’améliorati­on de l’expérience collaborat­eur est également un avantage régulièrem­ent cité par les profession­nels du secteur. Cette entente est également bénéfique pour les besoins spécifique­s de la DSI en nouvelles compétence­s. « Les métiers de la DSI évoluent rapidement et nous avons régulièrem­ent besoin de nouvelles compétence­s. Pour les recrutemen­ts, comme pour la formation, une étroite collaborat­ion avec la DRH est donc un avantage » , souligne Rémy Berthou, DSI de SNCF Réseau. Cette direction informatiq­ue du groupe SNCF avait par exemple une vingtaine de recrutemen­ts en attente. Le rapprochem­ent avec la DRH a permis de débloquer la situation et « les recrutemen­ts sont aujourd’hui tous réalisés » , conclut le DSI de SNCF Réseau. ❍

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