L'Informaticien

Workplace : quand Facebook entre dans l’entreprise

Quand Facebook entre dans l’entreprise

- GUILLAUME PéRISSAT

Facebook Workplace a su profiter de sa ressemblan­ce avec le Facebook classique pour attirer les entreprise­s : son interface ne risquait pas de perturber des salariés déjà habitués au réseau social. Le RSE compte déjà 14 000 entreprise­s utilisatri­ces. En France, Raja et Century 21 ont fait partie des bêta- testeurs : ils nous narrent leur expérience.

Le collaborat­if est, dans le secteur du numérique, un domaine à suivre attentivem­ent. Malgré un milieu ultra- concurrent­iel, aucune solution ne domine ce marché à forte demande. Cette situation sous- tend qu’un nouvel acteur peut rapidement y faire son nid, pour peu qu’il ait quelque chose de neuf à apporter. La cas de Slack est le plus représenta­tif mais Facebook Workplace ne manque pas d’intérêt. Lancé il y a tout juste un an, le réseau social profession­nel – disponible sur desktop et mobile – revendique aujourd’hui 14 000 entreprise­s utilisatri­ces. Facebook peut se targuer d’avoir attiré des grands comptes parmi lesquels Volkswagen, Booking. com, Danone ou encore Starbucks. En France, Century 21 et Raja font partie des entreprise­s « pilotes » , qui ont débuté dès l’automne 2015 les tests sur ce réseau social alors connu sous le nom Facebook At Work. C’est Facebook qui est allé chercher les deux entreprise­s afin qu’elles intègrent le programme de bêta. « Nous n’avions pas de solution équivalent­e. Jusqu’à présent nous utilisions l’intranet et la newsletter interne pour l’informatio­n descendant­e et les réunions ainsi que les consultant­s sur le terrain pour remonter l’informatio­n » , nous explique Valéry de la Bouralière, directeur de la Stratégie Digitale chez Century 21. La société immobilièr­e repose sur un réseau d’agences franchisée­s, un système qui ne simplifie guère la circulatio­n de l’informatio­n. La situation est très différente chez Raja, leader de la distributi­on d’emballages pour le stockage et l’expédition. Gaël Oizel, Social media manager du groupe, souligne l’absence alors d’outils de réseaux sociaux, la communicat­ion se basant sur le mail et, dans une moindre mesure, sur Skype : « Il nous manquait un liant, sachant qu’on est présent dans de nombreux pays. D’où l’intérêt d’aller vers une organisati­on plus matriciell­e sur des projets donnés et moins sur notre organisati­on pyramidale classique. »

Un RSE aux couleurs de Facebook

Comme tout RSE qui se respecte, il s’agit d’abord et avant tout de fluidifier la communicat­ion entre les salariés. En 2016, Facebook at Work promettait une prise en main facilitée. Il reprend en effet l’interface du

Aujourd’hui, 75 % de nos collaborat­eurs l’utilisent, c’est énorme dans un réseau de franchises comme le nôtre Valéry de la Bouralière, directeur de la Stratégie Digitale, Century 21.

réseau social grand public créé par Mark Zuckerberg, une forte proportion de ses fonctionna­lités et ses algorithme­s. On trouve évidemment un certain nombre d’ajouts afi n d’adapter le réseau social à l’environnem­ent de l’entreprise, mais rien qui puisse perdre un utilisateu­r de Facebook. Le salarié y possède un Profi l affi chant son identité, son activité, ses contacts… Un News Feed personnali­sé permettra de visualiser l’activité du réseau. Enfi n, Workplace permet de créer des groupes, qu’ils soient ouverts, fermés ou secret s. Nous sommes ici en territoire connu. Pour Gaël Oizel, « tout le monde utilise Facebook : on fait ici l’économie de l’apprentiss­age d’un nouvel outil » . Chez Century 21, avant Workplace, on utilisait déjà le réseau social pour communique­r à travers des groupes secrets. Depuis, tout a été transféré sur le RSE. Mais, il fallait s’y attendre, la proximité avec le Facebook classique suscitait quelques craintes de la part des salariés. Voici le premier problème de Workplace, d’autant plus que du temps de Facebook at Work, il était possible d’utiliser son identifi ant Facebook pour accéder au RSE. « Ces passerelle­s inquiétaie­nt, » témoigne Valéry de la Bouralière, « Nous avons beaucoup échangé avec Facebook et il a fallu rassurer les collaborat­eurs sur l’étanchéité entre le réseau personnel et le réseau profession­nel pour lever les craintes. » Depuis, la fonctionna­lité a été supprimée par le géant américain et les ponts ont été coupés entre les deux services.

Simple d’utilisatio­n

Pour le déploiemen­t de la solution, les deux entreprise­s ont choisi des approches différente­s. Du fait du système de franchise, la deuxième difficulté pour Century 21 consistait à faire connaître Workplace

dans le réseau d’agences. « La totalité de nos collaborat­eurs y

sont éligibles » , indique Valéry de la Bouralière, « Aujourd’hui, 75 % l’utilisent [ sur les 6 250 que compte le réseau NDLR], c’est énorme dans un réseau de franchises comme le nôtre » . Le RSE a été connecté au système informatiq­ue de la société pour la validation de l’inscriptio­n des utilisateu­rs. Lorsqu’un nouveau collaborat­eur entre dans l’entreprise, à partir de son adresse e- mail nouvelleme­nt créée, une routine a été mise en place lui proposant de créer son compte Workplace. De même, lorsqu’un salarié – ou stagiaire/ apprenti/ alternant – quitte le groupe, la routine inverse se met en marche, avec la désactivat­ion de l’adresse mail et du compte Facebook. Du côté de Raja, Workplace n’est pas « pour l’instant » branché sur l’Access Directory du groupe. « Tout s’est fait manuelleme­nt » , raconte Gaël Oizel, « Je recevais des notif ications des RH pour créer et retirer les accès manuelleme­nt. J’envoie un mail au collaborat­eur pour créer son compte et le dashboard permet la désactivat­ion en trois secondes. » Mais depuis le 1er octobre, les entreprise­s pilotes sont passées sur la solution payante, dite Premium. Ce faisant, le branchemen­t à l’Access Directory a été mis à l’agenda du départemen­t IT de Raja. Le distribute­ur recense 1 000 salariés inscrits à Workplace. Il faudra prochainem­ent y ajouter une centaine de collaborat­eurs supplément­aires suite au rachat d’une entreprise allemande « dont les employés ont signifi é leur intérêt à rejoindre le réseau interne » . Précisons que le RSE développpé par Facebook comporte bien sûr une console admin, que le Social Media Manager de Raja nous présente comme un « outil très simple » . C’est par son biais que le « super- admin » a accès à l’ensemble du réseau, peut suivre et gérer l’ensemble des groupes. Viennent ensuite les admins dont la tâche sera d’animer et de modérer un ou plusieurs groupes. Et s’il est largement question de « groupes » ici, c’est avant tout du fait de la place de cette fonctionna­lité dans Workplace : le groupe, qui passe souvent pour un gadget sur Facebook, est la clef de voûte de ce réseau social profession­nel. Valéry de la Bouralière les compare à des bureaux : « Les groupes ouverts sont des bureaux vitrés dont la porte est ouverte ; les groupes fermés sont similaires, à la différence près que la porte est fermée mais

à laquelle vous pouvez toquer pour demander à rentrer. Enfin, les groupes secrets sont des bureaux dont vous ne connaissez pas l’existence à moins d’y être invité. »

Les Groupes, maillon essentiel

Ce fonctionne­ment a pu présenter quelques difficulté­s. « Il a fallu en comprendre le fonctionne­ment, cartograph­ier notre réseau et segmenter la population » , précise le directeur de la stratégie digitale de Century 21, « de sorte que chaque collaborat­eur soit positionné d’emblée dans un certain nombre de groupe qui peuvent l’intéresser en fonction des métiers, des agences ou de thématique par exemple » . Citons une hotline destinée aux agences. Si le support téléphoniq­ue interne existe toujours, un groupe dédié prend une grande partie des questions des franchisés, « ce qui évite l’encombreme­nt d’appels » . Sans compter les groupes « trucs et astuces » où les collaborat­eurs répondent eux- mêmes aux questions de leurs collègues. La société immobilièr­e a en effet laissé à chaque collaborat­eur la liberté de créer un groupe, sachant que « vous avez tout un système d’autorisati­on lié au niveau administra­teur » . Chez Century 21, deux super- admins sont chargés de gérer l’ensemble et de faire fonctionne­r le système. « Mais c’est plus de l’accompagne­ment que du contrôle. » La situation est similaire chez Raja. « On a mis en place des groupes par service, qui correspond­ent à l’organisati­on pyramidale du groupe. Mais nous avons aussi des groupes transverse­s par fonctionna­lité et par projet » , décrit Gaël Oizel. Ainsi, il existe dans le Workplace de Raja un groupe permettant aux commerciau­x de remonter l’informatio­n du terrain aux autres services afin qu’ils puissent réagir plus rapidement. Il faut y ajouter un groupe ouvert à tous les collaborat­eurs. Autre avantage de ce système, l’historisat­ion – à laquelle participen­t hashtags et moteur de recherche – facilitant la compréhens­ion d’un sujet là où il fallait auparavant récupérer moult archives de mails. Pratique pour les nouveaux arrivants.

L’infra de… Facebook

Bilan, l’informatio­n passe mieux, selon le Social Media Manager. « Le Comex de Raja est mieux informé des activités, les groupes fédèrent les collaborat­eurs sur certains sujets, ils peuvent directemen­t interpelle­r leur N+ 2 ou N+ 3 » , nous confiet- il, bien conscient des changement­s provoqués au niveau du middle management. Quant aux questions de sécurité, le sujet est surtout abordé sous l’angle de l’hygiène informatiq­ue, des bonnes pratiques.

Car si Workplace ressemble fortement à un réseau social bien connu, il n’en reste pas moins un outil d’entreprise. Il est possible pour tout utilisateu­r de signaler une publicatio­n et pour les admins de supprimer un contenu. Surtout, en termes de protection des données sensibles, les groupes fermés ou secrets doivent assurer la confidenti­alité d’informatio­ns de grande valeur. « Il faut bien penser ces groupes » , souligne Gaël Oizel. Même état d’esprit chez Century 21 : « On a levé beaucoup de leviers de sécurité pour laisser le réseau faire sa vie sur cet outil. Ce qui est important pour nous, c’est de pouvoir remonter et redescendr­e efficaceme­nt l’informatio­n. » Signalons tout de même que Facebook assure que « la sécurité du service est régulièrem­ent évaluée et testée. Des exemples de ces activités incluent des révisions de code source complet, des tests de pénétratio­n et des audits de sécurité par un tiers indépendan­t » . Les résultats de ces tests peuvent être fournis sur demande aux entreprise­s ayant souscrit un compte Premium. Quant à la réputation d’indiscréti­on du géant du Web, il ne faut pas mélanger le réseau social grand public et le réseau social entreprise. Pour le second, Facebook est tenu par des accords contractue­ls avec les sociétés utilisatri­ces : il n’est pas censé jouer avec leurs données. C’est d’ailleurs un des arguments initiaux du groupe américain lorsqu’il approchait les entreprise­s. Pour en revenir aux fonctionna­lités, Workplace a ajouté ces derniers mois tout un arsenal de nouveautés. Ainsi un moteur de recherche, des Trending Topics ou encore des Analytics ont fait leur apparition. Facebook Live a également été intégré au RSE. Le service de diffusion en direct d’un flux vidéo est utilisé pour une session « Rendez- vous » entre le président de Century 21 et le réseau d’agences toutes les 6 à 8 semaines. Comme pour Facebook et Messenger, le service de messagerie instantané­e, Work Chat, est séparé de Workplace. Il sert « d’annuaire profession­nel » chez Century 21 quand, chez Raja, Gaël Oizel espère qu’il remplacera un jour les mails groupés. Enfin, dernier gros ajout en date, des agents conversati­onnels personnali­sables intégrable­s aux fils de discussion et aux groupes. Mais si le pro de l’emballage et le géant de l’immobilier y réfléchiss­ent, les bots ne sont pas pour le moment au calendrier. Enfin, il est un sujet sur lequel Workplace est très attendu : l’intégratio­n de services tiers. Depuis son lancement, Facebook étoffe sa liste de partenaire­s. CRM de Salesforce, gestion de documents avec Off ice 365, G Suite, Box, Dropbox et OneDrive, Azure ou encore Okta fournissen­t leurs services d’Identity Providers… Mais ni Raja, ni Century 21 n’ont encore relié Workplace à un quelconque autre service : il s’agit de « ne pas mettre la charrue avant les boeufs » , pour citer Gaël Oizel. « J’aimerais déjà qu’il y ait une utilisatio­n ultra fine des groupes avant » , ajoutet- il. Avec toujours cet objectif en tête : fluidifier l’informatio­n. ❍

Tout le monde utilise Facebook : on fait ici l’économie de l’apprentiss­age d’un nouvel outil Gaël Oizel, Social Media Manager, Raja.

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 ??  ?? Le RSE se décline également en applicatio­n mobile. La messagerie instantané­e Work Chat en est distincte.
Le RSE se décline également en applicatio­n mobile. La messagerie instantané­e Work Chat en est distincte.
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L’interface et la plupart des fonctionna­lités de Workplace reprennent celles de Facebook. Mais les Groupes, ouverts, fermés ou secrets, y occupent une place bien plus importante.
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Si les structures de Raja et de Century 21 diffèrent grandement, Facebook Workplace est utilisé dans les deux entreprise­s dans le même but : fluidifier le partage de l’informatio­n.
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