Workplace : quand Facebook entre dans l’entreprise
Quand Facebook entre dans l’entreprise
Facebook Workplace a su profiter de sa ressemblance avec le Facebook classique pour attirer les entreprises : son interface ne risquait pas de perturber des salariés déjà habitués au réseau social. Le RSE compte déjà 14 000 entreprises utilisatrices. En France, Raja et Century 21 ont fait partie des bêta- testeurs : ils nous narrent leur expérience.
Le collaboratif est, dans le secteur du numérique, un domaine à suivre attentivement. Malgré un milieu ultra- concurrentiel, aucune solution ne domine ce marché à forte demande. Cette situation sous- tend qu’un nouvel acteur peut rapidement y faire son nid, pour peu qu’il ait quelque chose de neuf à apporter. La cas de Slack est le plus représentatif mais Facebook Workplace ne manque pas d’intérêt. Lancé il y a tout juste un an, le réseau social professionnel – disponible sur desktop et mobile – revendique aujourd’hui 14 000 entreprises utilisatrices. Facebook peut se targuer d’avoir attiré des grands comptes parmi lesquels Volkswagen, Booking. com, Danone ou encore Starbucks. En France, Century 21 et Raja font partie des entreprises « pilotes » , qui ont débuté dès l’automne 2015 les tests sur ce réseau social alors connu sous le nom Facebook At Work. C’est Facebook qui est allé chercher les deux entreprises afin qu’elles intègrent le programme de bêta. « Nous n’avions pas de solution équivalente. Jusqu’à présent nous utilisions l’intranet et la newsletter interne pour l’information descendante et les réunions ainsi que les consultants sur le terrain pour remonter l’information » , nous explique Valéry de la Bouralière, directeur de la Stratégie Digitale chez Century 21. La société immobilière repose sur un réseau d’agences franchisées, un système qui ne simplifie guère la circulation de l’information. La situation est très différente chez Raja, leader de la distribution d’emballages pour le stockage et l’expédition. Gaël Oizel, Social media manager du groupe, souligne l’absence alors d’outils de réseaux sociaux, la communication se basant sur le mail et, dans une moindre mesure, sur Skype : « Il nous manquait un liant, sachant qu’on est présent dans de nombreux pays. D’où l’intérêt d’aller vers une organisation plus matricielle sur des projets donnés et moins sur notre organisation pyramidale classique. »
Un RSE aux couleurs de Facebook
Comme tout RSE qui se respecte, il s’agit d’abord et avant tout de fluidifier la communication entre les salariés. En 2016, Facebook at Work promettait une prise en main facilitée. Il reprend en effet l’interface du
Aujourd’hui, 75 % de nos collaborateurs l’utilisent, c’est énorme dans un réseau de franchises comme le nôtre Valéry de la Bouralière, directeur de la Stratégie Digitale, Century 21.
réseau social grand public créé par Mark Zuckerberg, une forte proportion de ses fonctionnalités et ses algorithmes. On trouve évidemment un certain nombre d’ajouts afi n d’adapter le réseau social à l’environnement de l’entreprise, mais rien qui puisse perdre un utilisateur de Facebook. Le salarié y possède un Profi l affi chant son identité, son activité, ses contacts… Un News Feed personnalisé permettra de visualiser l’activité du réseau. Enfi n, Workplace permet de créer des groupes, qu’ils soient ouverts, fermés ou secret s. Nous sommes ici en territoire connu. Pour Gaël Oizel, « tout le monde utilise Facebook : on fait ici l’économie de l’apprentissage d’un nouvel outil » . Chez Century 21, avant Workplace, on utilisait déjà le réseau social pour communiquer à travers des groupes secrets. Depuis, tout a été transféré sur le RSE. Mais, il fallait s’y attendre, la proximité avec le Facebook classique suscitait quelques craintes de la part des salariés. Voici le premier problème de Workplace, d’autant plus que du temps de Facebook at Work, il était possible d’utiliser son identifi ant Facebook pour accéder au RSE. « Ces passerelles inquiétaient, » témoigne Valéry de la Bouralière, « Nous avons beaucoup échangé avec Facebook et il a fallu rassurer les collaborateurs sur l’étanchéité entre le réseau personnel et le réseau professionnel pour lever les craintes. » Depuis, la fonctionnalité a été supprimée par le géant américain et les ponts ont été coupés entre les deux services.
Simple d’utilisation
Pour le déploiement de la solution, les deux entreprises ont choisi des approches différentes. Du fait du système de franchise, la deuxième difficulté pour Century 21 consistait à faire connaître Workplace
dans le réseau d’agences. « La totalité de nos collaborateurs y
sont éligibles » , indique Valéry de la Bouralière, « Aujourd’hui, 75 % l’utilisent [ sur les 6 250 que compte le réseau NDLR], c’est énorme dans un réseau de franchises comme le nôtre » . Le RSE a été connecté au système informatique de la société pour la validation de l’inscription des utilisateurs. Lorsqu’un nouveau collaborateur entre dans l’entreprise, à partir de son adresse e- mail nouvellement créée, une routine a été mise en place lui proposant de créer son compte Workplace. De même, lorsqu’un salarié – ou stagiaire/ apprenti/ alternant – quitte le groupe, la routine inverse se met en marche, avec la désactivation de l’adresse mail et du compte Facebook. Du côté de Raja, Workplace n’est pas « pour l’instant » branché sur l’Access Directory du groupe. « Tout s’est fait manuellement » , raconte Gaël Oizel, « Je recevais des notif ications des RH pour créer et retirer les accès manuellement. J’envoie un mail au collaborateur pour créer son compte et le dashboard permet la désactivation en trois secondes. » Mais depuis le 1er octobre, les entreprises pilotes sont passées sur la solution payante, dite Premium. Ce faisant, le branchement à l’Access Directory a été mis à l’agenda du département IT de Raja. Le distributeur recense 1 000 salariés inscrits à Workplace. Il faudra prochainement y ajouter une centaine de collaborateurs supplémentaires suite au rachat d’une entreprise allemande « dont les employés ont signifi é leur intérêt à rejoindre le réseau interne » . Précisons que le RSE développpé par Facebook comporte bien sûr une console admin, que le Social Media Manager de Raja nous présente comme un « outil très simple » . C’est par son biais que le « super- admin » a accès à l’ensemble du réseau, peut suivre et gérer l’ensemble des groupes. Viennent ensuite les admins dont la tâche sera d’animer et de modérer un ou plusieurs groupes. Et s’il est largement question de « groupes » ici, c’est avant tout du fait de la place de cette fonctionnalité dans Workplace : le groupe, qui passe souvent pour un gadget sur Facebook, est la clef de voûte de ce réseau social professionnel. Valéry de la Bouralière les compare à des bureaux : « Les groupes ouverts sont des bureaux vitrés dont la porte est ouverte ; les groupes fermés sont similaires, à la différence près que la porte est fermée mais
à laquelle vous pouvez toquer pour demander à rentrer. Enfin, les groupes secrets sont des bureaux dont vous ne connaissez pas l’existence à moins d’y être invité. »
Les Groupes, maillon essentiel
Ce fonctionnement a pu présenter quelques difficultés. « Il a fallu en comprendre le fonctionnement, cartographier notre réseau et segmenter la population » , précise le directeur de la stratégie digitale de Century 21, « de sorte que chaque collaborateur soit positionné d’emblée dans un certain nombre de groupe qui peuvent l’intéresser en fonction des métiers, des agences ou de thématique par exemple » . Citons une hotline destinée aux agences. Si le support téléphonique interne existe toujours, un groupe dédié prend une grande partie des questions des franchisés, « ce qui évite l’encombrement d’appels » . Sans compter les groupes « trucs et astuces » où les collaborateurs répondent eux- mêmes aux questions de leurs collègues. La société immobilière a en effet laissé à chaque collaborateur la liberté de créer un groupe, sachant que « vous avez tout un système d’autorisation lié au niveau administrateur » . Chez Century 21, deux super- admins sont chargés de gérer l’ensemble et de faire fonctionner le système. « Mais c’est plus de l’accompagnement que du contrôle. » La situation est similaire chez Raja. « On a mis en place des groupes par service, qui correspondent à l’organisation pyramidale du groupe. Mais nous avons aussi des groupes transverses par fonctionnalité et par projet » , décrit Gaël Oizel. Ainsi, il existe dans le Workplace de Raja un groupe permettant aux commerciaux de remonter l’information du terrain aux autres services afin qu’ils puissent réagir plus rapidement. Il faut y ajouter un groupe ouvert à tous les collaborateurs. Autre avantage de ce système, l’historisation – à laquelle participent hashtags et moteur de recherche – facilitant la compréhension d’un sujet là où il fallait auparavant récupérer moult archives de mails. Pratique pour les nouveaux arrivants.
L’infra de… Facebook
Bilan, l’information passe mieux, selon le Social Media Manager. « Le Comex de Raja est mieux informé des activités, les groupes fédèrent les collaborateurs sur certains sujets, ils peuvent directement interpeller leur N+ 2 ou N+ 3 » , nous confiet- il, bien conscient des changements provoqués au niveau du middle management. Quant aux questions de sécurité, le sujet est surtout abordé sous l’angle de l’hygiène informatique, des bonnes pratiques.
Car si Workplace ressemble fortement à un réseau social bien connu, il n’en reste pas moins un outil d’entreprise. Il est possible pour tout utilisateur de signaler une publication et pour les admins de supprimer un contenu. Surtout, en termes de protection des données sensibles, les groupes fermés ou secrets doivent assurer la confidentialité d’informations de grande valeur. « Il faut bien penser ces groupes » , souligne Gaël Oizel. Même état d’esprit chez Century 21 : « On a levé beaucoup de leviers de sécurité pour laisser le réseau faire sa vie sur cet outil. Ce qui est important pour nous, c’est de pouvoir remonter et redescendre efficacement l’information. » Signalons tout de même que Facebook assure que « la sécurité du service est régulièrement évaluée et testée. Des exemples de ces activités incluent des révisions de code source complet, des tests de pénétration et des audits de sécurité par un tiers indépendant » . Les résultats de ces tests peuvent être fournis sur demande aux entreprises ayant souscrit un compte Premium. Quant à la réputation d’indiscrétion du géant du Web, il ne faut pas mélanger le réseau social grand public et le réseau social entreprise. Pour le second, Facebook est tenu par des accords contractuels avec les sociétés utilisatrices : il n’est pas censé jouer avec leurs données. C’est d’ailleurs un des arguments initiaux du groupe américain lorsqu’il approchait les entreprises. Pour en revenir aux fonctionnalités, Workplace a ajouté ces derniers mois tout un arsenal de nouveautés. Ainsi un moteur de recherche, des Trending Topics ou encore des Analytics ont fait leur apparition. Facebook Live a également été intégré au RSE. Le service de diffusion en direct d’un flux vidéo est utilisé pour une session « Rendez- vous » entre le président de Century 21 et le réseau d’agences toutes les 6 à 8 semaines. Comme pour Facebook et Messenger, le service de messagerie instantanée, Work Chat, est séparé de Workplace. Il sert « d’annuaire professionnel » chez Century 21 quand, chez Raja, Gaël Oizel espère qu’il remplacera un jour les mails groupés. Enfin, dernier gros ajout en date, des agents conversationnels personnalisables intégrables aux fils de discussion et aux groupes. Mais si le pro de l’emballage et le géant de l’immobilier y réfléchissent, les bots ne sont pas pour le moment au calendrier. Enfin, il est un sujet sur lequel Workplace est très attendu : l’intégration de services tiers. Depuis son lancement, Facebook étoffe sa liste de partenaires. CRM de Salesforce, gestion de documents avec Off ice 365, G Suite, Box, Dropbox et OneDrive, Azure ou encore Okta fournissent leurs services d’Identity Providers… Mais ni Raja, ni Century 21 n’ont encore relié Workplace à un quelconque autre service : il s’agit de « ne pas mettre la charrue avant les boeufs » , pour citer Gaël Oizel. « J’aimerais déjà qu’il y ait une utilisation ultra fine des groupes avant » , ajoutet- il. Avec toujours cet objectif en tête : fluidifier l’information. ❍
Tout le monde utilise Facebook : on fait ici l’économie de l’apprentissage d’un nouvel outil Gaël Oizel, Social Media Manager, Raja.