Sur une île déserte...
SERGE JONCOUR* emporterait Le Grand Larousse gastronomique, Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand et Vie et destin de Vassili Grossman.
Très honnêtement, j’ai toujours du mal à répondre à cette question car je n’arrive pas à m’en tenir à la seule dimension symbolique de l’île déserte. Je m’imagine réellement abandonné au milieu de l’océan, et cette perspective m’affole. Mais passons.
J’emporterais d’abord Le Grand Larousse gastronomique, un livre qui m’a nourri. Il n’y aurait rien de plus évocateur pour moi sur une île déserte que les photos d’un poulet aux morilles ou de noix de saint-jacques à la crème d’échalote. De façon générale, j’adore les livres de cuisine car ce sont les seuls qui sont écrits à
l’impératif, qui exigent quelque chose de nous et qui nous offrent une conversation avec un interlocuteur. Et puis, le Larousse est un gros volume, il pourra toujours me servir d’oreiller.
Je prendrais aussi avec moi un exemplaire de Cyrano de Bergerac. J’ai depuis longtemps le projet de l’apprendre par coeur et ce sera enfin l’occasion de le mettre à exécution. Cyrano est un personnage qui me fascine car on peut s’identifier à lui à tous les âges. Lorsqu’on est adolescent d’abord, puisqu’à cet âge on a tous un gros nez. Or ce livre est la revanche sur un complexe. On peut aussi s’identifier à lui étant plus âgé, puisque Cyrano est celui qui cède le pas à la jeunesse de Christian.
Enfin, je choisirais Vie et destin de Vassili Grossman, pour ne pas trop regretter la civilisation que je laisserais derrière moi. C’est une oeuvre abondante, riche, nourrie du réel, magnifique. Je suis toujours sensible au rapport de l’auteur à son manuscrit, et, là, c’est un livre qui était devenu essentiel à Grossman, lui qui a mis près de quinze ans à l’écrire. Comme L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne, ce sont les livres d’une vie.
Propos recueillis par Lou-Eve Popper