I Am Not Your Negro
Il n’y a, au fond, rien de paradoxal à partir d’un livre inachevé pour aboutir à un film mené à terme. Ainsi, James Baldwin (19241987) s’était-il lancé dans un texte intitulé Remember This House évoquant l’Amérique à travers l’assassinat de trois de ses amis : Medgar Evers, Martin Luther King Jr et Malcolm X. Malgré toute sa bonne volonté, l’auteur ne réussira guère à dépasser les trente pages qui, faute de devenir un véritable ouvrage, ont servi de base à Raoul Peck pour son remarquable documentaire (nommé aux Oscars d’ailleurs). On entend ainsi dans I Am Not Your Negro les mots de l’écrivain, lus par Samuel L. Jackson (ou, en VF, par JoeyStarr), qui prennent une puissance inouïe à l’écran sur les images d’archives ici montées. Pour disséquer le racisme américain envers les Noirs et l’utilisation du concept de « nègre » , Peck fait ainsi s’entrechoquer les scènes d’émeute ou de rassemblement d’hier et d’aujourd’hui et les clichés véhiculés par Hollywood (aussi bien dans les coulisses qu’à l’écran). Mais le film se montre particulièrement fort lorsqu’il laisse la parole à James Baldwin (qui a aussi connu la discrimination en tant qu’homosexuel), lors de talk- shows édifiants. En particulier lorsqu’il nous rappelle que l’avenir d’une société tient aussi à sa capacité à « regarder en face et […] embrasser cet étranger [que l’on a] si souvent calomnié ». (En salles le 10 mai)