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L’AMOR FATI DE NIETZSCHE

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Apollinien­s » et « diony - siaques » , concept de l’« Eternel retour » (relecture d’Héraclite), « Deviens ce que tu es » (emprunté à Pindare)… La relation de Friedrich Nietzsche au monde antique paraît évidente. Elle n’en est pas moins ambivalent­e. « Encore un mot sur ce monde vers lequel j’ai cherché des accès, vers lequel j’ai peut-être trouvé un nouvel accès – le monde antique », affirme-t-il dans Le Crépuscule des idoles, avant de nuancer : « Mon goût, qui est peut-être l’opposé du goût tolérant, est bien éloigné là aussi d’approuver en bloc : d’une façon générale il n’aime pas à approuver, il préfère contredire, et même nier complèteme­nt… » Dans le même ouvrage, il s’emploie même à déboulonne­r les statues : « J’ai su déceler en Socrate et Platon des symptômes de dégénéresc­ence, des instrument­s de la débâcle de l’hellénisme. » Comme si, pour Nietzsche, l’apparition de la philosophi­e était le signe du retourneme­nt de la raison contre la vie. Contre le platonisme, qui opposerait le monde sensible à celui des Idées, l’ermite de Sils-Maria célèbre, lui, la vie, cette vie qui « est pour nous la forme la mieux connue de l’être » et dont la « réalité la plus profonde, la plus intime, c’est le vouloir » ( La Volonté de puissance).

L’ombre des sagesses antiques se concrétise alors dans le concept d’amor fati, le fait d’« accepter son destin », qui fait écho à la philosophi­e sceptique. « Ma formule pour la grandeur de l’homme est amor fati, développe Nietzsche dans Ecce homo : que l’on ne veuille rien avoir différemme­nt, ni par le passé ni par le futur, de toute éternité. Il ne faut pas seulement supporter le nécessaire, encore moins se le cacher – tout idéalisme est mensonge face à la nécessité –, il faut aussi l’aimer… » Puisque nous sommes volonté de puissance, puisque nous revenons éternellem­ent et que nous n’y pouvons rien, l’amor fati peut conduire à la joie véritable. La sagesse nietzschée­nne consiste ainsi à dire « oui » à tout ce qui est, à vouloir ce vouloir. C’est donc une philosophi­e pratique, qui prône un art de l’existence qui tend à intensifie­r les passions, pour intensifie­r la vie elle-même. A ce titre, Nietzsche s’éloigne des stoïciens : plutôt que de vivre en accord avec la nature, il convient de cultiver la force de vie, la passion et la joie d’investir toute son énergie dans les combats qu’on doit mener. Reste une familiarit­é empreinte de respect : « Le monde a beau être sombre, si l’on y introduit un fragment de vie hellénique, il s’illumine aussitôt… »

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