Le conte est bon
Une femme épuisée inscrit son compagnon chômeur à une émission de téléréalité qui pourrait l’aider.
Marre. Elle en a marre, Coralie. Il faut dire que son job au grand magasin Bonnin n’est pas de tout repos, entre la caisse, le rayon « cosmétiques » et celui des « luminaires ». Ses collègues ne sont pas forcément désagréables – même lorsqu’on les surprend en plein coït, au vestiaire –, contrairement au directeur, Mouret. Le genre d’individu qui a toujours une petite perfidie au coin de la bouche : « Je veux des clients qui sortent du magasin le sourire aux lèvres. T’es là pour leur donner un peu de ciel bleu, tu comprends? Mais ça, ça demande de l’empathie. De l’altruisme. Parce que
c’est ça ton métier ! Empathie, altruisme, bonheur ! » Un peu de paix ferait alors du bien à cette petite soldate courageuse lorsqu’elle rentre à la maison, mais ses trois enfants, si mignons soient- ils, sont bruyants. Re - muants. Et n’arrêtent pas d’aller aux toilettes. Il y a Popo, 11 ans, Titi, 7, et Lulu, 4. Leur père, Loïc, pourrait s’occuper d’eux la journée : depuis deux ans, il est au chômage après un licenciement économique. Faute de proposition professionnelle, il enchaîne les 1664 et la « beuh », délaissant quelque peu les travaux ménagers et son rôle de bon père de famille. Coralie s’inquiète : le RSA se rapproche sérieusement, et son salaire à elle ne pourra subvenir aux besoins du foyer. Devrait-elle quitter l’homme dont elle partage la vie depuis treize ans ? Il suffira d’une bonne fée, issue d’une annonce diffusée sur la petite lucarne : « Si vous aussi vous êtes au chômage et que vous avez encore des rêves, si vous souhaitez sortir du chômage, mais que vous ne savez plus comment faire, contactez-
nous! […] Ne restez pas seuls ! Fairy Tale est là pour vous aider ! » Une émission de téléréalité bienveillante? Et pourquoi pas. Coralie inscrit alors son fainéant de compagnon au casting et, miracle, celui-ci est retenu. Les voisins s’en réjouissent. Une nouvelle vie va-t-elle commencer pour la famille, sur un coup de baguette magique? Oui, mais les prétendues « bonnes actions » ont parfois un parfum plus amer et cynique que prévu…
Pour son premier roman, la scénariste Hélène Zimmer (qui avait adapté, avec Benoît Jacquot, Le Journal d’une femme de chambre de Mirbeau) a concocté avec Fairy Tale une fable satirique habilement ancrée dans le quotidien. Non sans malice – et avec un certain brio dans les dialogues –, elle s’empare des clichés de la télé-réalité « sociale ». La démarche se montre certes un rien démonstrative, mais cette manière de capter la servitude ne manque pas de panache. Et on s’y prendra désormais à deux fois avant de s’en remettre à la bonne fée… Baptiste Liger