Java des ombres
Le deuxième tome émouvant d’une ample saga politique.
Un être cher qui part en bateau constitue à la fois un adieu et un nouveau départ. Ou, comme il est écrit en préambule d’Enfant de toutes les nations, « toute chose est propulsée vers l’annihilation en direction de l’horizon qui se dérobe, et de cette annihilation procède la renaissance ». Et bien plus qu’on ne le pense. Ainsi, lorsque sa toute jeune épouse, Annelies, quitte l’île de Buru pour les Pays-Bas, Minke – un jeune journaliste javanais – n’imagine pas que son aimée ne va jamais revenir, emportée par la maladie. Bouleversé, ce garçon polyglotte peut toutefois compter – et inversement – sur le soutien de sa belle- mère, Nyai, qu’il appelle Mama. Ce couple d’infortune aura bien besoin d’être soudé au moment où la vaste propriété de la matriarche est en danger, au début du XXe siècle, dans cette région d’Asie où, entre autres, la Chine, le Japon, la Hollande et la France ne comptent pas abandonner leurs intérêts…
Deuxième tome émouvant et virevoltant du Buru Quartet1 – paru initialement en 1980 –, Enfant de toutes les nations nous permet de redécouvrir l’oeuvre majeure de l’Indonésien Pramoedya Ananta Toer (1925-2006). Il y a là du souffle, des personnages secondaires bien croqués (mention au peintre français nommé Jean Marais !), une indéniable épaisseur romanesque et un regard subtil mais sans concession sur la colonisation. Sans oublier une affirmation, toujours salutaire, de l’écriture comme arme politique.
Baptiste Liger