Orfèvre du bizarre
Ce deuxième recueil de nouvelles détonne à son tour !
De notre côté de l’Atlantique, on avait rencontré Karen Russell avec un premier roman aussi palpitant que luxuriant : Swamplandia, situé dans un parc d’attraction de sa Floride natale. C’était en 2012, dans la collection « Terres d’Amérique » des éditions Albin Michel, et le livre avait été finaliste du prestigieux prix Pulitzer la même année. Cependant, c’est par des nouvelles que cette auteure s’était fait connaître aux Etats-Unis, en 2006 : le recueil Foyer Sainte-Lucie pour jeunes filles élevées par les loups (Albin Michel, 2014). Nulle surprise donc de retrouver Russell dans le format court. Juste la confirmation d’une imagination toujours en expansion, dès le titre : Des vampires dans la citronneraie. De sa plume qui alterne (brillamment) entre le réalisme et le fantastique, entre Lewis Carroll et Stephen King, elle y évoque : un vampire aussi obsédé par les citrons que par le sang jusqu’à mettre en danger son immortalité ; une « Grange » sise au paradis (lequel ?) où la plupart des anciens présidents américains sont transformés en chevaux… dont la puissance dépend de la trace laissée dans l’Histoire ; une masseuse dotée de pouvoirs toujours plus étranges en manipulant des vétérans de la campagne d’Irak; des employées d’une usine japonaise transformées en vers à soie… Huit nouvelles savamment rythmées, souvent autour du thème de la métamorphose, avec lesquelles Karen Russell se révèle toujours aussi virtuose dans la catégorie des jeunes orfèvres du bizarre. Hubert Artus