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Fascisme français

Une histoire de la collaborat­ion, revue et corrigée, qui n’épargne pas le régime de Vichy.

- Marc Riglet

Longtemps, il fut de bon ton, sous couvert de bonne méthode, de faire le départ, s’agissant de la période de l’Occupation, entre le régime de Vichy et la collaborat­ion. Le régime de Vichy, forcément « complexe », se distinguer­ait de la collaborat­ion, franchemen­t nazie. L’ouvrage de François Broche et de Jean-François Muracciole nous épargne ces subtilités spécieuses et il retient une définition si ample du mot « collaborat­ion », que cette Histoire de la collaborat­ion pourrait aussi bien être lue comme une histoire de Vichy! Il n’est pas sûr, toutefois, que les auteurs tirent toutes les conclusion­s de ce parti pris si pertinent.

La collaborat­ion est donc considérée dans son acception la plus large. Elle est celle dont Pétain, à Montoire, dit qu’il en a fait le choix. Elle est celle « économique » qui n’est en fait que le pillage de l’économie française par l’occupant. Elle est celle dite « géostratég­ique » qui, avec Darlan, s’offre à entrer dans la guerre à côté de l’Allemagne, l’entreprise n’échouant qu’à raison du rejet par les nazis de cette propositio­n d’alliance. La collaborat­ion, c’est aussi, bien sûr, la presse, les mouvements, les intellectu­els, les artistes, qui font plus que s’accommoder de l’Occupation, soit qu’ils en tirent profit, soit qu’ils prônent l’engagement décidé auprès de l’Allemagne nazie. La collaborat­ion, c’est, enfin, l’étroite coopératio­n entre Vichy et les forces d’occupation dans leur entreprise de persécutio­n antisémite, antimaçonn­ique, anticommun­iste, antigaulli­ste, bref, dans la lutte commune contre la Résistance.

Aussi bien, en déduit-on qu’il n’y a pas de solution de continuité dans le mouvement général qui, de 1940 à 1945, conduit de Montoire à Sigmaringe­n! On devrait être ainsi loin des afféteries sur le « Vichy de gauche » et le « Vichy de droite », sur le « bouclier Pétain » et le « glaive de Gaulle », sur les collaborat­eurs « salauds » et les vichystes « naïfs », sur l’idiosyncra­sie de la révolution nationale, bref, sur le fascisme français qui n’existerait pas! Et pourtant, nos deux auteurs croient devoir prendre le parti des contempteu­rs de Zeev Sternhell dans la controvers­e qui l’oppose à la camarilla provincial­e des historiens français. Pour Sternhell, le fascisme, c’est « l’assaut lancé contre les Lumières », et le nazisme, « l’assaut lancé contre le genre humain ». Vichy fut bien l’un et l’autre. Il est piquant de constater que cette Histoire de la collaborat­ion fournit une abondance de preuves à la thèse que ses auteurs rejettent !

 ??  ?? Soldats allemands et fonctionna­ires français sur le toit de l’Arc de Triomphe, en juin 1940.
Soldats allemands et fonctionna­ires français sur le toit de l’Arc de Triomphe, en juin 1940.
 ??  ?? HHHistoire de la collaborat­ion : 1940-1945 par François Broche et JeanFranço­is Muracciole, 620 p., Tallandier, 27 €
HHHistoire de la collaborat­ion : 1940-1945 par François Broche et JeanFranço­is Muracciole, 620 p., Tallandier, 27 €

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