Fascisme français
Une histoire de la collaboration, revue et corrigée, qui n’épargne pas le régime de Vichy.
Longtemps, il fut de bon ton, sous couvert de bonne méthode, de faire le départ, s’agissant de la période de l’Occupation, entre le régime de Vichy et la collaboration. Le régime de Vichy, forcément « complexe », se distinguerait de la collaboration, franchement nazie. L’ouvrage de François Broche et de Jean-François Muracciole nous épargne ces subtilités spécieuses et il retient une définition si ample du mot « collaboration », que cette Histoire de la collaboration pourrait aussi bien être lue comme une histoire de Vichy! Il n’est pas sûr, toutefois, que les auteurs tirent toutes les conclusions de ce parti pris si pertinent.
La collaboration est donc considérée dans son acception la plus large. Elle est celle dont Pétain, à Montoire, dit qu’il en a fait le choix. Elle est celle « économique » qui n’est en fait que le pillage de l’économie française par l’occupant. Elle est celle dite « géostratégique » qui, avec Darlan, s’offre à entrer dans la guerre à côté de l’Allemagne, l’entreprise n’échouant qu’à raison du rejet par les nazis de cette proposition d’alliance. La collaboration, c’est aussi, bien sûr, la presse, les mouvements, les intellectuels, les artistes, qui font plus que s’accommoder de l’Occupation, soit qu’ils en tirent profit, soit qu’ils prônent l’engagement décidé auprès de l’Allemagne nazie. La collaboration, c’est, enfin, l’étroite coopération entre Vichy et les forces d’occupation dans leur entreprise de persécution antisémite, antimaçonnique, anticommuniste, antigaulliste, bref, dans la lutte commune contre la Résistance.
Aussi bien, en déduit-on qu’il n’y a pas de solution de continuité dans le mouvement général qui, de 1940 à 1945, conduit de Montoire à Sigmaringen! On devrait être ainsi loin des afféteries sur le « Vichy de gauche » et le « Vichy de droite », sur le « bouclier Pétain » et le « glaive de Gaulle », sur les collaborateurs « salauds » et les vichystes « naïfs », sur l’idiosyncrasie de la révolution nationale, bref, sur le fascisme français qui n’existerait pas! Et pourtant, nos deux auteurs croient devoir prendre le parti des contempteurs de Zeev Sternhell dans la controverse qui l’oppose à la camarilla provinciale des historiens français. Pour Sternhell, le fascisme, c’est « l’assaut lancé contre les Lumières », et le nazisme, « l’assaut lancé contre le genre humain ». Vichy fut bien l’un et l’autre. Il est piquant de constater que cette Histoire de la collaboration fournit une abondance de preuves à la thèse que ses auteurs rejettent !