Du côté des Blancs
La guerre civile en Russie vue par ceux qui l’ont perdue.
Historien de l’Union soviétique, Jean-Jacques Marie s’attache, ces dernières années, à l’étude de la guerre civile qui accable la Russie de 1917 à 1920. Il nous propose aujourd’hui de la lire du côté des Blancs et d’examiner de près les causes qui conduisirent à la défaite de ce camp.
Dès février 1917 et la déposition du tsar, les partisans de l’ancien régime se lèvent contre la révolution. La tentative de coup d’Etat du général Kornilov, contre le gouvernement de Kerenski, fait cependant long feu. C’est donc au lendemain de la prise du pouvoir par les bolcheviques que la guerre civile s’engage. Elle oppo- sera dans des combats d’une rare cruauté, les Rouges de Lénine et Trotski, les Blancs qui entendent restaurer la monarchie, mais aussi les Verts, mélange de forces anarchistes pillardes et de nationalistes sécessionnistes.
D’emblée, du côté des Blancs, la division règne. Sur le terrain des opérations, d’abord. Les armées blanches sont, en effet, constituées au sud de la Russie – c’est l’armée des volontaires commandée par les généraux Denikine et Wrangel –, à l’est, en Sibérie – ce sont les troupes de l’amiral Koltchak –, et au nord, enfin, avec notamment les forces du général Ioudenitch. Même si Koltchak fut, pour un temps, installé comme « régent suprême » des armées et si Denikine lui succéda dans cette fonction, l’unité des armées blanches ne fut que formelle et ne permit aucune coordination militaire. A cet éparpillement des forces s’ajoutent des désaccords profonds sur les buts de guerre. L’incapacité des Blancs à rassembler toutes les oppositions aux Rouges, pourtant largement majoritaires, tient principalement à deux raisons. En appelant à la restauration de la monarchie et à la restitution des terres à l’aristocratie, ils s’aliènent tant les forces démocratiques que la paysannerie. En se battant sous le drapeau d’une « Russie unie et indivisible », ils se font des nationalistes finlandais, ukrainiens, baltes, cosaques, géorgiens… des ennemis fieffés.
Dans ces conditions, l’aide que leur apportent les Anglais et les Français – eux-mêmes divisés sur les objectifs de leur intervention – est à la fois mesurée et chaotique. Si l’on ajoute à cela la médiocrité des chefs et la faiblesse d’armées où pour un combattant on compte trois « planqués », l’inventaire des causes de la défaite des Blancs, au terme d’un récit enlevé, nourri des plus récentes archives, est au complet.