Extrême centrisme
L’auteur autopsie l’hypocrisie d’une société « libérale », prétendument tolérante, qui étouffe toute voix dissonante.
Un mot suffit à lever un doute. Ecoutez ceux qui se prétendent « de gauche, mais… » . La conjonction de coordination trahit un renoncement à cet idéal de justice. Selon Alain Deneault, cette maladie, depuis longtemps détectée, a fini par gangrener le vieux continent : « Les socialistes européens se sont davantage retrouvés dans ce “mais” que dans l’expression “socialiste”. » Pour le philosophe canadien, cette abjuration atteste l’idée que la société d’« extrême centre » a fini par imposer sa norme de la bien-pensance et, malgré son apparente ouverture d’esprit, abhorre toute forme de contestation. Son extrémisme se traduit « par une intolérance à tout ce qui ne cadre pas avec un juste milieu arbitrairement proclamé ». Moralité : gare au traître qui ose penser autrement. Ce Judas sera pointé du doigt pour avoir abjuré la « religion de l’entreprise ». Et tant pis si cette apostasie repose sur un constat pourtant avéré : il n’y a plus d’adversaire mais des « “personnes morales” de la finance et les prête-noms de la grande industrie, agissant sous les poussées mondiales d’un marché nébuleux et d’un actionnariat impétueux ».
La clairvoyance est toujours coupable. Certes, il peut arriver que le « star-système » décide d’intégrer ce résistant « à sa distribution, reconnaissant en lui le prétendant capable de remplir poliment l’office de la figure maudite ». Mais que l’audacieux ne se berce pas d’illusions. Sa renommée sera éphémère. Comme quasiment tout ce que promeut cette société du vide intellectuel.