La rage au coeur
Quand le lecteur rencontrera l’héroïne de ce livre, dès les premières lignes, il comprendra… Il comprendra que cette fille mystérieuse a vécu quelque chose de terrible. Les phrases courtes et serrées, les jugements qu’elle porte sur le monde qui l’entoure, ses pensées, sa façon de parler d’elle-même, de faire des allusions à ce qu’elle a traversé… Le titre de ce roman n’est autre que le surnom de cette héroïne, qui l’a si fortement happée en quelques lignes. Rage. La dureté d’un r et la promesse d’un e muet peut-être… « Si “Rage” est un nom, alors elle le veut bien. Elle veut bien s’en vêtir, pour un temps peut-être, comme un nouvel habit, comme une seconde peau – en attendant une autre mue. » Comment la romancière Orianne Charpentier a-t-elle pensé à ce surnom? Quelle belle idée romanesque pour marcher aux côtés de cette jeune fille… Le lecteur découvre son passé par bribes, par touches impressionnistes. L’auteure a les mots justes pour décrire avec pudeur la violence du monde et de l’exil. « Elle avait croisé les yeux de son père dans le rétroviseur. Elle avait compris soudain : ils étaient arrivés jusqu’à la déchirure, ils étaient passés de l’autre côté du vrai. Là, on ne dormait que dans la mort. C’était la fin du monde. » Aujourd’hui, Rage se bat pour exister dans un Paris qui n’a pas besoin d’elle. Au détour d’une fête où elle ne trouve pas sa place, elle se retrouve dans le jardin du pavillon de banlieue nez à nez avec un chien de combat en fuite, hargneux et blessé. Cette bête est son reflet, et Rage se sent envahie, missionnée. Il lui faut sauver cet animal. Ce texte est aussi violent et doux qu’il est lent et vif. Tout se passe en une nuit. Une nuit où la rage peut muer…