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Un homme, un vrai

Au travers de l’histoire de Mietek, l’auteur rend hommage à tous les durs à cuire au coeur tendre.

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En général, il porte un Perfecto et des santiags. On ne se refait pas. Mais parfois, il s’habille chic – blazer et chemise blanche, cravate sombre et chaussures de marque, cheveux en arrière, effluves de vétiver pour charmer les dames. Un peu endimanché, mais assez fier de son allure. Son prénom, Mietek, a quelque chose d’exotique mais pas plus que Mohammed-le-Périmé ou Robert-le-Mort, des potes de prison, des copains de bistrots où se font les affaires. Mietek ne travaille pas vraiment, il « s’occupe » et claque immédiatem­ent l’argent qu’il a récupéré en volant une Cadillac Eldorado Biarritz pour un coiffeur qui en avait fait son rêve de gosse. Mietek est un portrait Harcourt des années 60-70, un gangster un peu vagabond et sentimenta­l. Il possède une DS 21 bleu Camargue à injection électroniq­ue, silencieus­e comme un chat. Fidèle en amitié, volage en amour, il se frotte volontiers à Karine, qui possède une clientèle et lui donne une liasse ou deux pour ses faux frais. Mietek n’est pas un maquereau, mais ne refuse pas le cadeau d’une dame. Au fond, ce qu’il aime le plus, c’est rouler dans sa 21 en écoutant la voix de Karine sur une cassette audio. Elle lui a enregistré Classe tous risques, de José Giovanni, et il réécoute ce roman d’ex-taulard avec délectatio­n. Bien sûr, un jour ou l’autre, il rencontrer­a le grand amour impossible avec une fille qui existe à peine, les copains qui meurent, les autres piégés par les flics, mais pour l’instant Mietek traverse Paris la nuit avec ses néons clinquants, ses bars à putes et ses bagarres de poivrots sur les trottoirs de Pigalle.

NOSTALGIE EN CHAPEAU MOU

Richard Morgiève ne se contente pas de peaufiner une reconstitu­tion historique à la poursuite de la jeunesse perdue, il nous empoigne le coeur comme il sut si bien faire au temps du Petit Homme de dos ou de Ma vie folle. Il rend hommage dans Les Hommes à Lino Ventura ou à Jean-Paul Belmondo, tantôt évadé de la Santé avec des mines de silencieux, tantôt planqué dans une maison vide du côté de Melun à attendre le bon moment pour filer. José Giovanni, l’auteur du Trou et du Deuxième Souffle, n’est pas là par hasard, car on retrouve du Melville dans les descriptio­ns de ces cavaleurs perpétuels, fuyant jusqu’à la mort. Mais, derrière le réalisme du roman et du film noirs, pointe autre chose qu’une nostalgie en chapeau mou. Morgiève parle d’amour comme personne, de ventres qui se désirent, fluides et bouillants. Pessimiste, il sait que ça finira mal mais offre une porte de sortie follement poétique. Et puis il y a cette écriture du corps que le romancier offre généreusem­ent au lecteur : un geste de Mietek, levant son verre à l’amitié, cognant un type qui ne lui revient pas ou prenant la main d’une fillette qui ne le lâchera plus. On le voit à nos côtés, cet échalas grand et mince, un peu dégingandé et pas toujours commode. Mietek ou Morgiève, ça sonne un peu pareil. Ce n’est pas un hasard. Christine Ferniot

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Les Hommes par Richard Morgiève, 376 p., Joëlle Losfeld, 22,50 €

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