Le coup de grisou
Un huitième ouvrage où l’on retrouve le goût de l’auteur pour les mensonges inavouables.
L’avenir dira si Le Jour d’avant est un pas de côté ou un nouvel horizon pour Sorj Chalandon: toujours est-il qu’il ne nous porte ni vers la fiction autobiographique ou familiale ( Le Petit Bonzi, Une promesse, Profession du père), ni vers les terrains qu’avait arpentés cet éminent journaliste (Mon traître, Le Quatrième Mur). C’est ici une histoire de classe sociale, de camarades et de frères. Elle s’enracine dans une tragédie industrielle française : la catastrophe de Liévin ( Nord- Pas- de- Calais), le 27 décembre 1974, quand quarante- deux mineurs trouvèrent la mort à cause d’un coup de grisou. Le narrateur, Michel Flavent, y a perdu son frère aîné, Joseph. Depuis et jusqu’à notre époque, d’où il retrace l’histoire et les enjeux, sa vie fut hantée par la mort : celle du père, puis de l’épouse. Pour lui, vivre consiste à réclamer des comptes. Il ira jusqu’au bout. Le Jour d’avant joue subtilement sur deux tableaux: faute collective (qui a provoqué le drame industriel, patronal, social de Liévin?) et faute individuelle (quelle culpabilité dissimule la vengeance de Michel ?). Cherchant la morale des deux, naviguant entre justesse et justice, Chalandon piste la force des pardons comme il l’avait déjà fait. Mais sa quête reste avant tout d’ordre social : c’est là qu’on l’attendait, et le lire n’en est que plus émouvant.
Hubert Artus