Moi, raciste?
Une fable mordante sur un sujet qui s’avère toujours glissant : le racisme ordinaire.
Savoir rire du pire, c’est une question d’humour (noir). Emmanuel Brault l’a bien compris. Le narrateur de son premier roman, Amédée Gourd, est raciste. Et il le crie haut et fort. Il hait les « rouges », comme d’autres détestent les « bougnoules », les « négros », ou pis encore. Un racisme ordinaire, hérité de sa grand-mère qui l’a élevé – et chez qui il vit toujours. Cet antihéros prétend ainsi parler « au nom des racistes », en lesquels il voit avant tout « des gens comme tout le monde avec des yeux et des jambes ». Il s’agace même de ce qu’il tient pour une forme d’oppression. Un jour, notre homme bouscule et insulte rageusement une rouge enceinte. Résultat : un an de prison et 2250 euros de réparations. Dans cette société (à peine) imaginaire, où le racisme est soigné lors de réunions du type Alcooliques anonymes, Amédée subira un premier changement. Puis, par amour, il vivra une deuxième évolution, avant d’en connaître une troisième – qui verra un combat entre l’Amédée d’avant et celui d’après… Qui l’emportera?
Répondant au racisme par le cynisme, Les Peaux rouges dynamite intelligemment les petites idées du repli identitaire. Grâce à une langue malicieuse, Emmanuel Brault réussit là une fable qui vire à la folie kafkaïenne et apocalyptique. Un pari gonflé – et réussi ! Hubert Artus