Le jour d’abcès
L’héroïne, hospitalisée, retrouve sa mère à son chevet pour que surgissent les souvenirs.
Avec Olive Kitteridge ( prix Pulitzer en 2009), l’Américaine Elizabeth Strout se glissait dans le quotidien d’une femme dont la compassion n’était pas la qualité première. Sa nouvelle héroïne, Lucy Barton, pourrait appartenir à la même famille. Son histoire, qui défile durant cinq jours et cinq nuits, reprend les thèmes chers à la romancière: l’identité, la solitude, les gestes, apparemment anodins mais révélateurs, qui façonnent une vie. Lucy Barton est hospitalisée à New York pour une banale appendicite, mais une bactérie met sa vie en danger et l’oblige à rester plusieurs semaines alitée. Sa mère, qu’elle ne voyait plus depuis longtemps, vient lui rendre visite. Entre ces deux femmes, une étrange conversation s’installe et les souvenirs font surface, fébriles, apaisants ou effrayants, comme si la fièvre de l’infection permettait enfin de vider les abcès d’une vie entière.
Elizabeth Strout construit ce livre poignant et magnifique telle une peinture pointilliste. On découvre la jeunesse de Lucy, fille pauvre et méprisée à l’école, s’enfermant dans les études, fuyant ses parents pour vivre à New York, se marier, devenir écrivain. Ne rien avouer de ses sentiments, ses peurs, ses choix, façonne une vie de douleurs, murmure Lucy Barton, qui répète comme un mantra le même mot : « impitoyable ».
Christine Ferniot