L’âme des horloges
A travers les pérégrinations d’un horloger en Chine, l’écrivain autrichien livre un magnifique conte philosophique sur le temps.
Depuis la traduction en France à la fin des années 1980 des Effrois de la glace et des ténèbres, Christoph Ransmayr tutoie avec une belle constance les cimes littéraires. Après les nombreux voyages réunis dans Atlas d’un homme inquiet (prix du Meilleur livre étranger et prix JeanMonnet de littérature européenne), l’Autrichien nous revient romancier.
Avec un livre immense, Cox ou la course du temps, qui entraîne le lecteur vers la Chine du XVIIIe siècle. Celle du tout- puissant empereur Qianlong, qui voit et entend tout, châtie cruellement ceux qui le trahissent. Un véritable dieu aux multiples noms : l’Auguste, le Fils du Ciel, le Seigneur des Dix Mille Ans, l’Inattaquable, l’Invincible. Qianlong a mandaté auprès de lui Alister Cox, l’horloger et constructeur d’automates le plus doué du monde occidental.
Au sommet de sa gloire, cet Anglais est brisé depuis la mort, à l’âge de 5 ans, de sa fille Abigaïl. Bien qu’encore paralysé par la douleur, le voici pourtant qui laisse sa mutique épouse et quitte Southampton pour un voyage en mer de sept mois à bord d’un trois-mâts en direction de Beijing et de la Cité pourpre interdite, où il sera logé au Palais. Le créateur est accompagné de ses assistants, orfèvres et mécaniciens. Il fait la moitié du tour de la Terre à la voile, navigant à contre-courant, pour répondre à une commande plus hors norme que jamais. L’occasion de l’aider à « se détourner de l’inexorabilité du temps » et de reprendre son art.
L’empereur Qialong sollicite son inventivité et son imagination. De Cox, il n’attend rien de moins qu’il invente des horloges capables de mesurer les variations de la course du temps et de le dévorer… Conteur et styliste remarquables, Christoph Ransmayr impressionne et envoûte à la fois par son propos et son style. L’auteur de La Montagne volante combine parfaitement violence et beauté tout au long d’un opus majeur que l’on n’est pas prêt d’oublier. A.F.