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Ngugi wa Thiong’o

- Gladys Marivat

Il a fait de la prison pour avoir écrit une pièce dans sa langue natale : le kikuyu. C’était en 1978, au Kenya. Dans sa cellule, Ngugi wa Thiong’o n’a pas fléchi et a rédigé dans les marges de sa Bible et sur du papier toilette ce qui sera son premier roman

Caitaani Mutharabai­ni ( « le diable sur la croix », jamais traduit en français). Ce livre qui dénonce l’état de décadence de son pays irrite le gouverneme­nt qui rêve de le remettre derrière les barreaux. Commence alors un long exil pour l’écrivain kényan – en Grande-Bretagne d’abord, puis aux Etats-Unis où il enseigne à Yale. A 79 ans, il compte depuis plusieurs éditions parmi les favoris de l’Académie suédoise qui remettra ses lauriers début octobre. Retentissa­nte dans le monde anglo-saxon, son oeuvre, qui a pour thème la colonisati­on du Kenya et ses conséquenc­es, est riche d’une trentaine de pièces de théâtre, d’essais, de recueils de nouvelles et de poésie. En France, seuls cinq de ses livres ont été traduits dont

Décolonise­r l’esprit (La fabrique, 2011), son plus célèbre essai. L’auteur y fait ses adieux à l’anglais et expose une thèse qui sera le combat de toute sa vie: les Africains doivent s’affranchir de la langue des colons pour parler au peuple et affirmer une expérience proprement africaine. Une « décolonisa­tion de

l’esprit » qui sera bénéfique à tous les peuples, nous expliquet-il dans son nouvel essai Pour

une Afrique libre (Philippe Rey). La reconnaiss­ance de l’esclavage comme un crime, l’instaurati­on d’une démocratie directe, le renouvelle­ment des élites africaines et la transparen­ce des gouvernant­s, la promotion des langues africaines dans le domaine de la recherche, la constructi­on d’une alternativ­e au capitalism­e: toujours aussi stimulant, érudit, radical, l’écrivain dessine les contours d’une Afrique nouvelle et d’un

monde nouveau. « Nous devons nous relier, mettre les fois, les doctrines, les langues, grandes ou petites, en dialogue », écrit-il avant de citer Aimé Césaire : « L’échange est ici l’oxygène. »

Quand Ngugi wa Thiong’o s’exprime, c’est le monde entier qui écoute.

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