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Poussins farcis et Flammekuec­he

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Amateurs de pastiches littéraire­s et de recettes décalées, la table est dressée. Que diriez-vous de commencer par un goûter chez Madame Bovary ? On se doute bien que cette chère Emma aura une nouvelle fois l’esprit ailleurs, mais il est difficile de résister à la tentation. Voici l’épouse lascive, un soupir au bord des lèvres, beurrant le moule de son biscuit breton et rêvant, à l’instant de casser les oeufs, d’une existence plus exaltante, loin de sa province insipide. Elle boude un peu, tête penchée, attentive à la températur­e du four en même temps qu’au sommeil de ce pauvre Charles, le mari complaisan­t qui n’aura qu’une petite part du gâteau. Mais si Flaubert vous déprime, une soupe miso à la Franz Kafka pourrait avoir son charme, à condition d’y ajouter un filet de sauce soja pour exciter le palais. A moins que le pain perdu concocté par La Rochefouca­uld n’emporte l’adhésion, car « rare est le fruit dont la saveur survit à la beauté » . Cependant, n’en soyez pas surpris, la médaille reviendra une fois encore au marquis de Sade et sa recette de poussins désossés et farcis, livrés par une jeune vierge peu farouche. L’art culinaire n’est-il pas l’essence même de la sensualité et de l’exaltation?

Dix ans après une première édition, le facétieux anglais Mark Crick revient avec ses parodies culinaires, enrichies d’inédits. Drôle, fin, illustré avec grâce, cet ouvrage est un hommage à la fiction et au bon goût puisqu’il permet de réunir à la même table Irvine Welsh, Marcel Proust, Harold Pinter, Gabriel Garcia Marquez et Graham Greene, entre autres.

Une cuisine d’expression­s, telle est la définition du chef alsacien Olivier Nasti. Un garçon plutôt classique au premier abord avec ses airs de premier de la classe et ses rubans de Meilleur Ouvrier de France accrochés à son cou. Mais ce gourmet sait respirer, s’inspirer de ce qu’il voit et respecter la nature. Le cuisinier a de la mémoire et l’exprime dans chaque plat, de la tarte flambée, (l’incontourn­able Flammekuec­he) à l’asperge ou aux morilles qu’il va cueillir à Kaysersber­g, entre lacs et forêts. Loin des ouvrages de chefs parfois pompeux, Olivier Nasti surprend généreusem­ent, n’oubliant jamais les gestes techniques et les plaisirs simples. A l’image de ses huiles d’herbes dont il révèle les recettes dans ce livre, beau comme un coucher de soleil sur les vignes automnales. La Soupe de Kafka (Kafka’s soup) par Mark Crick, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Patrick Raynal, Geneviève Brisac, Éliette Abécassis, 176 p., Baker Street, 17 HHH Une cuisine d’expression­s par Olivier Nasti, 224 p., Menu Fretin, 35

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La Flammekuec­he revisitée par Olivier Nasti.

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