Roman Polanski cinéaste littéraire
A l’occasion de la sortie de son thriller littéraire D’après une histoire vraie *, retour sur les grandes adaptations cinématographiques signées du metteur en scène de Rosemary’s Baby.
Avec un prénom tel que le sien, il est logique que Roman Polanski trouve son inspiration dans la littérature. Et, très souvent, avec réussite. Si ses premiers longs-métrages étaient issus de scénarios originaux ( Le Couteau dans l’eau, Cul-de-sac, Répulsion…), on pouvait déjà noter d’évidentes influences littéraires – Kafka en tête. Il faudra attendre Rosemary’s Baby en 1968, tiré du terrifiant roman d’Ira Levin, pour que le réalisateur s’empare pour la première fois officiellement des écrits d’un(e) autre. Trois ans plus tard, il proposera une version toute personnelle de Macbeth. Les années 1970 furent décisives pour le cinéma de Polanski puisqu’il réalisa deux de ses plus grands chefs-d’oeuvre pendant cette décennie: Le Locataire, d’après Roland Topor, et Tess, avec une inoubliable Nastassja Kinski campant l’héroïne de Thomas Hardy. Roman Polanski ne reviendra aux adaptations qu’en 1992 avec sa réappropriation du très pervers Lunes de fiel de Pascal Bruckner. Le théâtre ne sera pas en reste puisque, deux ans plus tard, il fera de la pièce d’Ariel Dorfman La Jeune Fille et la Mort un glaçant huis clos de cinéma – avant de transposer pour l’écran, deux autres pièces: Le Dieu du carnage (devenu Carnage) de Yasmina Reza et La Vénus à la fourrure de David Ives. Des auteurs tels qu’Arturo Pérez-Reverte ( La Neuvième Porte), Wladyslaw Szpilman ( Le Pianiste) ou Charles Dickens ( Oliver Twist) se sont vus également adaptés par Polanski qui aime montrer des personnages en pleine création littéraire, parfois dépossédés de leur oeuvre. Après l’excellent The Ghost Writer (tiré d’un best-seller de Robert Harris) sur les relations entre un ex-premier ministre britannique et son « nègre », il s’attaque à un autre duo singulier en s’emparant du roman à succès de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (Prix Renaudot 2015). Grand amoureux de la figure du double, le cinéaste se plaît à décrire, dans ce nouveau long-métrage, les rapports ambigus entre une romancière très populaire, Delphine (Emmanuelle Seigner), et une admiratrice un peu trop belle (Eva Green) qui n’hésite pas à lui donner bien des conseils – jusqu’à la déposséder de son travail? Une intrigue déroutante, un mélange entre réalité et imagination, des héroïnes à la psychologie torturée: du pur Polanski! B.L.
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