A 180 degrés
Loin de faire trois petits tours, dans ce recueil de nouvelles, les uns et les autres font un demi-tour décisif.
L’art de la nouvelle exige d’être concis, de ne rien laisser passer, de filer droit au but sans jamais se retourner. On lit à la loupe, comme on mènerait une enquête, traquant à chaque phrase l’indice, la petite défaillance posée là l’air de rien, clé de déchiffrage d’un tout tendu, nervuré, maintenu serré dans la paume sèche d’une main. Déjà rompue à l’exercice si exigeant de la nouvelle ( elle compte deux recueils à son actif), Hélène Lenoir construit les siennes comme un entomologiste disséquerait un insecte. Avec la même méticulosité, emprunte d’une élégance cruelle. Depuis vingt ans, l’auteure s’intéresse à l’ordinaire et au domestique lorsqu’il se fait instable et étouffant. Elle affectionne ce qui grouille et se détraque. Chacune de ses sept nouvelles a en commun l’histoire d’un demi-tour : demi-tour sur soi-même, demi-tour sur l’autre, demi-tour physique, symbolique, émotionnel. Il est ici question de grands et de petits appartements, de vengeance criminelle, de voisinage, d’immeuble incendié, de vieillard extorqué… Tout n’est jamais qu’effleuré, mais toujours avec vigueur, baigné dans une grisonnante petite musique délicieusement morbide. Les personnages, engagés dans d’éprouvants faceà-face, se débattent avec les fils gluants d’une mystérieuse araignée existentielle.
Estelle Lenartowicz
Hélène Lenoir,