Des brèves
Callan WINK – Jim HARRISON – William BOYD La découverte d’une voix venue du Midwest, les dernières histoires du grand Jim Harrison et des nouvelles de l’Anglais William Boyd : trois recueils mettent ici à l’honneur l’exercice de style qu’est l’histoire co
Dans les pays anglo-saxons, la nouvelle s’est imposée comme un art majeur. Cette considération particulière pour les short stories, ajoutée aux fameux ateliers de creative writing , nous vaut souvent de remarquables recueils d’histoires courtes – un format idéal pour aller à l’essentiel ou faire ses gammes… Tel est le cas de l’Américain Callan Wink. Guide de pêche à la mouche, il est devenu en 2011 le plus jeune auteur à publier une nouvelle – qui donne d’ailleurs son titre à l’ouvrage: Courir au clair de lune avec un chien volé – dans le prestigieux New Yorker. Ce texte débute par une course folle, en pleine nuit, d’un homme nu accompagné d’un chien qu’il a « libéré », par idéalisme, d’un chenil où un homme d’affaire local le retenait. Agençant subtilement les temporalités, Wink décrit ce qui mène cet homme, ouvrier dans une scierie, à courir après sa propre vie et son passé récent. La nouvelle tragicomique (les poursuivants se surnomment « Montana Bob » et… « Charlie Chaplin » !) nous happe, tout comme les huit suivantes se déroulant essentiellement dans le Montana ou le Wyoming. Tantôt alambiquées narrativement, tantôt linéaires, elles sont généralement menées par des personnages qui luttent pour reconstruire leur vie dans un environnement (montagne, forêt, ruisseau, route) faisant office à la fois de décor et de refuge. On aura une tendresse particulière pour « Regarder en arrière », soixante pages de la vie d’une femme qui jongle entre joies, deuils, compromis et romances ; et pour « Une autre dernière bataille » dans laquelle le protagoniste prin- cipal interprète le général Custer pour la reconstitution annuelle de la bataille de Little Big Horn. Hantés par l’histoire amérindienne du Midwest, ces récits sont portés par des personnages croqués tout en nuance.
Ironie des rencontres, le débutant Callan Wink avait lié amitié avec le maestro Jim Harrison. Il arrivait même aux deux gaillards du Montana de pêcher ensemble. Décédé le 26 mars 2016, Big Jim était ainsi revenu à la forme littéraire qu’il affectionnait particulièrement : la novella (à mi-chemin entre la nouvelle et le roman) – le recueil posthume Dernières nouvelles en rassemble trois. La première nous rappelle à quel point il savait raconter la vie intérieure des femmes. Dans la seconde, on retrouve la dernière aventure (certes pas inoubliable) de son personnage fétiche Chien Brun, orphelin sang-mêlé du Michigan qui n’a jamais eu ni passeport, ni passé, ni avenir. La troisième, « L‘Affaire des bouddhas hurleurs », nous met en présence du dernier-né de la galaxie harrisonienne : l’ancien inspecteur de police Sunderson (apparu dans Grand Maître et Péchés capitaux), toujours prêt à remplir une petite mission pour la route. Constamment obsédé par son âge et par les femmes, ce personnage devient ici le portevoix des derniers rêves de Jim Harrison, à savoir les femmes et les livres…
Callan Wink, Jim Harrison,
Enfin, direction l’Angleterre pour quelques textes de William Boyd, aussi fin nouvelliste que romancier. Rassemblant sept short stories et deux novellas, Tous ces chemins que nous n’avons pas pris montre un art du trait et de l’astuce que le Britannique, comme toujours, manie avec un sens de la psychologie et du réalisme. Ces histoires présentent le plus souvent des écrivains, des artistes, des marchands d’art, pris dans un imbroglio (mention spéciale à cet autoproclamé « beau gosse » qui succombe à son besoin compulsif d’embrasser sans coucher), dans une vengeance à plusieurs tiroirs (drôlissime « Humiliation ») et autres surprenantes retrouvailles entre anciens amants. Si inégales soient-elles, ces nouvelles montrent toutefois la palette des différents regards à l’oeuvre chez Boyd. Et, plus généralement, chez tous les écrivains… Hubert Artus
William Boyd,