Un monde à part
L’auteur afrikaner reprend les codes du polar post-apartheid et du thriller dans un domaine inattendu: le roman post-apocalyptique.
En France, voilà quinze ans que nous avons découvert Deon Meyer. Ses polars fort bien troussés évoquent l’envers de « la nation arc-en-ciel », les trafics d’armes, la reconstruction ou la place de l’Afrique du Sud dans la géopolitique du crime des années 2000-2010, le tout avec une galerie de personnages hauts en couleur. Cette Année du Lion rassemble tous ces éléments mais nous transporte bien au-delà. Avec son onzième roman, Meyer nous mène là où on ne l’attendait pas : le domaine postapocalyptique. Ainsi, les trois quarts de la surface du globe ont été décimés par une « Epidémie » . Sur la corne Sud du continent africain, vers les grandes étendues du Grand Karoo, un homme et son fils (Willem et Nico Storm) errent à bord de leur camion surchargé de matériaux de survie. Ils subissent une attaque de chiens enragés dès la deuxième page du livre (qui en compte six cents), après s’être aventurés à la recherche d’une denrée qui n’existe plus : l’essence. Le père a participé à la naissance d’une communauté, nommée Amanzi, établie sur un site stratégique et qui se revendique multiraciale. Ce qui est loin d’être le cas du clan concurrent formé par des bikers, des maîtres-chiens et autres survivants assoiffés de sang et d’argent. L’Année du Lion retanscrit la confession du fils Storm des années après « l’Epidémie » . Le jeune homme retrace le fil des évènements qui l’ont amené à survivre tout en ne pouvant protéger son père, nous réservant d’innombrables rebondissements, et laissant la parole à de nombreux protagonistes. Difficile, on l’aura compris, de ne pas y voir une grande parabole sur la reconstruction de l’Afrique du Sud. En version certes enragée et macroscopique, se jouant des légendes survivalistes et des théories complotistes, quelque part entre Mad Max et La Route. Il y a là un évident brio et même une certaine grâce dans la quête du père. H.A.
Deon Meyer,