QUAND LA FIÈVRE RETOMBE
naguère patrie de la vigne, de l’olive, de la tauromachie et du plein soleil. Jean-Michel Décugis est un « Pescalune » – il est né et a passé toute son enfance à Lunel. On comprend alors qu’il soit déchiré par la tragédie qui a défiguré sa ville. En trente- trois ans, la population a doublé et n’a jamais pu être absorbée par le marché du travail. Un quart des Lunellois vit des allocations sociales : « L’immigration a déferlé sur des terres de traditions taurines, balayant le sable des coutumes locales. » Entre novembre 2013 et décembre 2016, une vingtaine de jeunes sont partis de l’autre côté de la Méditerranée « faire le djihad », soit environ une personne sur mille tombée dans la barbarie islamique. Alors qu’avant, « c’était plutôt 27 cafés pour 27 000 habitants » . Nos auteurs situent l’origine de la déflagration à la fin de la guerre d’Algérie, en 1962. Lunel n’a pas le temps de célébrer le retour de ses soldats que des milliers d’Algériens contraints de fuir leur pays leur emboîtent le pas. Une dizaine d’années plus tard, les familles les plus pauvres s’installent dans le centre-ville peu à peu déserté par les Pescalunes. « Lunel est alors gangrené par les marchands de sommeil. » Et la grande mosquée, édifiée en plein coeur de la ville, se transforme en un centre de prosélytisme pour les apôtres de la barbarie. Dès 2014, une vague d’adhésions à l’Etat islamique est enregistrée. La plupart de ces recrues sont de bons jeunes gens respectueux de leurs parents, que rien ne prédisposait au fanatisme. Il y a même un garçon juif converti qui, comme la majorité de ses camarades d’exil, laissera sa vie dans cette guerre folle contre les « impies ».
Patrice Duhamel
Jacques Santamaria,
A côté de ce livre qu’il faut recommander avec chaleur, se trouve celui d’un autre duo de journalistes, Airy Routier et Nadia Le Brun, consacré, cette fois, à la maire de Paris, et ici drôlement baptisée Notre- Drame de Paris. Pas du tout du même cru, voici donc un procès féroce contre la politique d’Anne Hidalgo et les auteurs n’ont rien voulu négliger. Ils accumulent avec tant de délectation leurs griefs – certains sérieux, d’autres beaucoup moins – que la lecture de leur enquête est assez indigeste. A croire qu’ils en auraient oublié le dicton : « Qui trop embrasse mal étreint ». Les difficultés de la circulation, les grands travaux qui n’en finissent pas, la lutte contre la pollution, font certes une lecture de notre société bien moins poignante que l’histoire de ces jeunes partis dans l’indifférence des aînés, tuer et mourir en Syrie…
Jean-Michel Décugis Marc Leplongeon, Routier Le Brun, Airy Nadia