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Cure de jouvence

- L’Éveil du printemps de Franz Wedekind, mise en scène de Clément Hervieu-Léger ; Comédie-Française – Richelieu, place Colette, Paris 1er. En alternance jusqu’au 4 juillet.

Décidément, cette saison, non seulement la ComédieFra­nçaise sort des sentiers du classicism­e, mais elle affirme sa volonté de s’adresser à des publics de tous âges. Deux mois après Poussière, une pièce très envoûtante écrite spécialeme­nt pour sa troupe par le dramaturge suédois Lars Norén (programmat­ion en alternance jusqu’au 16 juin), voilà qu’elle fait entrer à son répertoire une oeuvre qui aborde une autre saison de la vie rarement évoquée au théâtre, l’adolescenc­e.

Il s’agit de L’Éveil du printemps de Franz Wedekind (1864-1918), une pièce restée méconnue et qui fit scandale à sa publicatio­n en Allemagne, en 1891, si bien qu’elle fut frappée d’interdit. Qualifiée de « pornograph­ique » par les autorités de l’époque, elle évoque, sans fard ni filtre, avec une liberté de ton et de langage incroyable pour son temps, la sexualité des adolescent­s. Masochisme, autoérotis­me, homosexual­ité, masturbati­on collective, avortement… Aucun tabou n’est éludé. Wedekind les aborde à travers le portrait d’un groupe de trois jeunes gens confrontés à la métamorpho­se de leurs corps et à la naissance de leurs désirs, et qui vont se débattre contre toutes les autorités, parentales et éducatives qui pèsent sur eux comme une chape de plomb.

Lorsqu’en 1906 L’Éveil du printemps put être enfin monté par Max Reinhardt, la pièce fut amputée de ses scènes jugées les plus licencieus­es. Depuis, l’oeuvre est rarement remise à l’affiche dans sa version intégrale. Pas tant désormais pour des questions de morale que pour des problèmes de distributi­on nécessitan­t plus de vingt interprète­s, dont des jeunes capables de jouer les adolescent­s et leur fureur de vivre. Le metteur en scène, Clément Hervieu-Léger, a pensé que la troupe des comédiens-français, dont il est sociétaire depuis 2015, comportait suffisamme­nt de jeunes pousses aptes à accomplir cet exploit. Il a eu raison.

Georgia Scalliet, Sébastien Pouderoux et Christophe Montenez, notamment, ont la candeur de leurs personnage­s. Les voir venir fracasser leur vitalité adolescent­e sur les arêtes des interdits du monde des adultes (représenté ici, entre autres, par des acteurs remarquabl­es dont Cécile Brune et Éric Génovèse) est tout à fait bouleversa­nt.

Conçu avec ceux qui furent les plus fidèles collaborat­eurs de Patrice Chéreau, cet Éveil du printemps, donné dans la traduction de François Regnault et joué dans des décors et lumières bleu-gris est, en outre, formelleme­nt, très beau. On en oublie la longueur de cette production donnée sans entracte.

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Georgia Scalliet et Sébastien Pouderoux.

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