Peut-on écrire un roman en SMS ?
Le papier se rebiffe et imite les écrans des Smartphone. Une mère et sa fille adolescente ont écrit à quatre mains une histoire en brefs messages, réponse romanesque à l’omniprésence du virtuel.
Sans « e », sans prénoms, en vers… Le roman se prête à toutes les facéties, et toutes les formes narratives se tentent. Avec Moi, ma vie, ma mère en textos, le roman épistolaire franchit une étape. Il est écrit en SMS. Ce n’est pas le premier ( PhonePlay…), mais la mission est accomplie. Tout y est : des bulles au design reconnaissable, des mots en capitales, une multiplication de points d’exclamation, des émoticons et… des photos de chatons ! Qu’en est-il du côté de l’intrigue ? De la densité des personnages ? Faut-il se désoler de notre époque ? Non ! Derrière ces short message service se tisse une trame romanesque. Flora, 13 ans, vit avec sa mère qui passe son temps entre Milan, Londres, Tokyo, etc. Le fils aîné vit en Corée du Sud et il ne faut que quelques messages pour comprendre que le père est absent depuis longtemps. Mère et fille ont appris à gérer leur quotidien par Smartphone interposés, défiant les lois du décalage horaire. Quand Mamita, une grand-mère paternelle vivant à New York, invite sa petite-fille à faire plus ample connaissance à coups de limousine et de séances shopping, l’intrigue devient romanesque.
Il serait exagéré de dire que tout est inattendu, mais les situations sont cocasses et pétries de vécu. On rit (mention spéciale au SMS de la mère lu par une prof de Flora), et on se dit aussi que l’une et l’autre sont drôlement attachantes ! Nathalie Riché (qui fut longtemps chroniqueuse « Jeunesse » dans Lire) et Rosalie Melin, mère et fille dans la vie, n’ont pas abusé des mots raccourcis, des fautes et autres codes obscurs. En revanche, elles ont l’art de la repartie. Leurs personnalités se dessinent malgré les ellipses, et quelques mots suffisent pour en dire beaucoup. On est touché par cette maman qui se débat pour ne pas perdre le fil avec « sa toute petite ». Qu’apporte la forme au fond ? Une facilité de lecture, assurément, mais aussi un rythme singulier qui est loin d’être déplaisant.