match « Chaque de foot peut se lire comme livre un »
L’un est un ex-éditeur devenu grande figure médiatique ; l’autre, un ancien professionnel ayant joué entre autres au PSG et au Milan AC. Tous deux sont des passionnés du ballon rond et ont écrit des ouvrages très instructifs sur ce sport. À l’occasion de
Comment l’écriture est- elle entrée dans votre vie ?
Vikash Dhorasoo. Enfant, j’ai très peu lu, à part les livres qui étaient imposés à l’école. Mais au fil du temps, j’y ai pris goût. Il m’arrivait de plonger dans un bouquin en attendant le début d’un match. Les conseils de Daniel Pennac m’ont beaucoup aidé. Il m’a notamment dit un jour qu’on n’était pas obligé de terminer la lecture d’un livre. Ça m’a rassuré… Et, de fil en aiguille, j’ai donc fini par écrire sur le football. J’ai d’abord tenu un blog. Puis j’ai eu l’idée de raconter mon histoire plus ou moins sous forme de BD, un peu à la manière de L’Arabe du futur de Riad Sattouf. Toutes les idées étaient dans ma tête et je savais que je devais livrer mon histoire avec le moins d’émotions possible.
Éric Naulleau. À l’âge de 4 ou 5 ans, j’ai dit à ma famille que je voulais devenir journaliste. Vers l’âge de 8 ans, j’ai annoncé que je voulais être journaliste sportif. Alors là, la honte totale ! [ rires] Il n’y a jamais eu de barrière dans ma tête entre l’écriture et le sport. Ces deux passions se sont développées de manière parallèle. J’ai écrit pour plusieurs journaux, mais l’une de mes plus grandes fiertés est d’avoir publié un éditorial dans le numéro anniversaire de L’Équipe, pour ses 70 ans !
Quels sont les ouvrages sur le football qui vous ont marqués ?
E.N. J’adore Carton jaune de Nick Hornby. Rouge ou Mort de David Peace reste aussi un très bon livre. Cet auteur britannique fait ici le montage de tous les matchs joués par Liverpool quand l’entraîneur était Bill Shankly. Je trouve également que Philippe Bordas a porté le niveau très haut avec le méconnu Chant furieux.
V.D. Carton jaune, bien sûr ! J’adore ce livre parce qu’il raconte comment être un supporteur. Pour moi, être supporteur, c’est aimer son équipe même quand elle perd. Et nous ( Le HAC – la célèbre équipe du Havre), on perdait tout le temps ! [rires] J’en pleurais. Même quand on gagnait, il m’arrivait d’avoir les larmes aux yeux. C’est ça, être un supporteur !
De façon plus générale, qu’est- ce qu’un bon livre sur le football ?
E.N. Cela peut être évidemment l’évocation d’une passion collective. Même s’il s’agit du sport le plus populaire au monde, il faut toutefois se l’approprier de manière personnelle. Et c’est ce que j’ai tenté de faire dans cet ouvrage, non pas du point de vue d’un joueur ou d’un amateur, mais de celui d’un amoureux de la littérature.
V.D. Le football appartient vraiment à tout le monde. Et, comme en politique, l’avis d’un amateur a autant de valeur et d’importance que celui d’un professionnel ! Pour ma part, j’ai souhaité écrire ce livre pour parler de ce sport, mais aussi de ma vie et de ce qui se passe dans le milieu. Grâce à l’écriture, on peut raconter de belles histoires autour du ballon rond.
Le football est- il, d’une certaine façon, une forme de littérature, avec ses règles, son histoire, ses coups de théâtre ?
E.N. Avec le temps, on remarque que le football laisse de plus en plus de traces dans la culture. Chaque match de foot est un livre. Il y a un début, un milieu et une fin. Une introduction, un développement
« ÊTRE SUPPORTEUR, C’EST AIMER SON ÉQUIPE MÊME QUAND ELLE PERD » Vikash Dhorasoo
« DANS QUELQUES ANNÉES, LE LIVRE SUR LE FOOTBALL CONSTITUERA UN GENRE LITTÉRAIRE À PART ENTIÈRE » Éric Naulleau
et une conclusion. On peut le lire comme un récit, et je crois que, dans quelques années, le livre sur le football constituera, oui, un genre littéraire à part entière.
V.D. Il y a par ailleurs un vrai décor dans le football – l’ambiance dans les stades, les joueurs, les vestiaires, les histoires, les parcours, etc. Autant de choses aussi intéressantes les unes que les autres que l’on peut décrire dans un ouvrage.
Y a- t- il une manière particulière d’écrire sur le football ?
E.N. La littérature et le football sont inséparables. Quand j’étais jeune, je venais toujours sur le terrain avant mes partenaires, et je lisais en attendant leur arrivée ! Dans Quand la coupe déborde, je pars d’un petit fait pour essayer d’analyser les conséquences historiques et politiques, mais aussi la trace que peut conserver une compétition dans la littérature. Le livre, pour moi, est un espace sacré comme l’église ou le théâtre. Dans le football, c’est un peu le contraire. C’est une enceinte du sacré où tout le monde parle. On tient là une grande différence avec la lecture qui demande le silence, le recueillement. Alors que le foot est une affaire d’exultation et de bruit.
V. D. À travers Comme ses pieds, j’ai modestement voulu montrer aux gens que le football est un métier à la fois dur et fabuleux. Je souhaitais également décrire la véritable vie d’un footballeur sur le terrain comme dans les vestiaires, les moments de joies et les périodes plus difficiles.
Enfin, écrire des livres sur le football n’est- il pas pour vous un prétexte pour parler politique ?
V. D. En dehors de toute publication, le football est intrinsèquement une affaire de lien social. Jouer au football en bas de mon immeuble était pour moi une manière d’être avec les autres. J’ai une association qui s’appelle Tatane où nous militons pour le football durable et joyeux, pour le vivre ensemble et l’importance du lien social.
E.N. Un sport qui concerne des millions de personnes dans le monde est politique par nature. La plupart des matchs choisis dans mon livre ont une dimension politique évidente. J’y évoque, par exemple, le match Hongrie-RFA, qui symbolisait l’opposition entre l’Est et l’Ouest pendant la guerre froide. Une confrontation entre le modèle communiste et le modèle capitaliste. Si ça, ce n’est pas politique…