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La fille qui aimait la baston

Anne SCHMAUCH Des velléités de changement pour une fille au caractère bien trempé, répondant pourtant au doux nom de Fleur.

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Fleur n’est pas une mauvaise herbe, même si elle est la narratrice d’un roman intitulé La Sauvageonn­e. La première scène est surréalist­e : sa mère et elle percutent une biche en voiture. La gamine l’achève d’un coup de couteau et la trimbale dans le coffre. Dépeçage, désossage, tannage de la peau… Béat et décontenan­cé, on poursuit la lecture ! La jeune adolescent­e grandit dans une station-service au milieu de nulle part. Les clients sont de plus en plus rares. Elle ne veut pas ressembler à sa mère abreuvée de romans à l’eau de rose, et méprise son père, rugueux et colérique. Fleur s’entraîne à boxer sur un sac pendant que son frère adoré joue du violon au milieu des piles de pneus. On visualise la scène en écarquilla­nt les yeux de plus belle ! Rodrigue, un voisin parisien, les rejoint pour les vacances : le trio échafaude un avenir possible. En quelques pages, Anne Schmauch parvient à décrire un décor captivant. Les gamins vont se retrouver à la tête de trente mille euros. L’argent n’est pas propre : ils ont dépouillé un mort, mais c’est le temps de l’aubaine, pas celui des états d’âme ! Les indices temporels de ce roman sont rares et si l’applicatio­n Tinder n’était pas vaguement mentionnée au détour d’une phrase, on pourrait presque imaginer l’histoire dans les années 1950, avec pour cadre une station-service à l’image de celle peinte par Hopper.

À FLEUR DE PEAU

La romancière convoque des mondes qui s’entrechoqu­ent : une maison miteuse porte de Bagnolet, des graffeurs au milieu d’un échangeur autoroutie­r, une galerie d’art contempora­in des beaux quartiers, une fête organisée par la jeunesse bien née… Au diable le réalisme : on court à côté de Fleur, on la suit pour traverser les voies de l’autoroute et escalader les murs antibruit, puis on se roule en boule avec elle dans sa peau de biche pour tenter de reprendre son souffle ! La fin est rocamboles­que, mais on pardonne tout, tenaillé par le stress et l’émotion. Qu’elle est belle, cette Fleur obsédée par l’odeur d’essence qui lui collerait soi-disant à la peau…

Raphaële Botte HHHHI La Sauvageonn­e par Anne Schmauch, 267 p., Sarbacane, 15,90 E (dès 13 ans)

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