« L’équivalent, en modèle réduit, d’Apostrophes ! »
L’historien spécialiste du livre et de l’édition, Jean-Yves Mollier, revient sur les différentes formes des book clubs au cours des siècles passés, dans le monde occidental.
En quoi consiste un book club ? Yves Mollier. Les book clubs sont à l’origine des associations, des cercles de lecteurs qui affirment une sociabilité particulière, celle d’individus mettant en commun leur passion pour la lecture et partageant le désir d’en faire profiter leurs amis. C’est une forme de sociabilité tout à fait anglo-saxonne et non française.
Y a- t- il des rituels précis à respecter ?
Y.M. Oui. On se réunit à date et heure fixes pour rendre compte d’une lecture et de ses réactions. C’est un peu l’équivalent, en modèle réduit, de l’émission Apostrophes de Bernard Pivot…
Quelles ont été ses différentes formes au cours de l’histoire ?
Y. M. Historiquement, l’Angleterre des xvii et xviii siècles a connu les coffee-shops, et le xix siècle, les circulating libraries, soit des petites bibliothèques à prix réduit. Ces deux formes de sociabilité bourgeoises anticipent le book club du xx siècle, qui, lui, apparaît dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres et en Angleterre au même moment. C’est à cette époque que l’éditeur Victor Gollancz lance le Left Book Club pour faire connaître au public de gauche des livres audacieux ou dérangeants. Aux États-Unis, en revanche, les book clubs d’après 1945 n’ont aucune tonalité politique. Ils connaîtront une forte croissance avec la célèbre émission d’Oprah Winfrey.
Et en France ?
Y.M. L’équivalent des book clubs à l’américaine n’a jamais vraiment existé dans notre pays. Il n’y a pas eu d’enthousiasme comparable pour créer de tels groupes. Même dans les années 1960-1970, les clubs hexagonaux n’avaient rien à voir avec le modèle américain. C’étaient avant tout des clubs d’achats de livres, auxquels les gens adhéraient pour profiter de tarifs avantageux.
Aujourd’hui, les book clubs sur Internet ont- ils pris la relève ?
Y.M. Internet renouvelle en effet les possibilités des book clubs avec les blogs, les listes de discussion et les forums. On peut se retrouver sans se connaître et partager ses passions. Tout le monde peut y participer. La preuve, même Mark Zuckerberg s’y est mis en publiant ses chroniques littéraires sur Facebook…
Propos recueillis par L.-E.P.