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René DAUMAL
1. PLUS QU’UN ÉCRIVAIN, UN CRÉATEUR LITTÉRAIRE
René Daumal (19081944) fut un littérateur de grande précision, un essayiste et un poète du même calibre. Normalien, maîtrisant le sanskrit jusqu’à en faire une grammaire, c’est la langue qui fut sa grande affaire. Il méprisa le pataquès de la littérature égotique et se soucia de la psychologie comme d’une guigne. Connu pour avoir animé la revue
Le Grand Jeu qui lui valut la sympathie des surréalistes, il tâta des drogues dures, jusqu’à frôler les expériences de mort imminente. Il fut un admirateur d’Alfred Jarry, son maître en absurdité rigoureuse. Il meurt à l’âge de 36 ans, de la tuberculose, laissant un autre grand roman, Le Mont Analogue.
2. LA GRANDE BEUVERIE : UNE DÉFLAGRATION SANS ANTÉCÉDENT
Dans ce grand banquet de la parole avinée (1938), Daumal est irrésistiblement génial. Les langues se délient et les personnages se mettent à parler le jargon qui les possède. C’est ce principe qui ordonne, sans modération, ce symposium débridé. Dans le monde des Paradis artificiels oeuvrent les Fabricateurs d’objets inutiles qui n’appellent jamais les choses par leurs noms, les Explicateurs qui n’expliquent rien, les Bougeotteurs, ces affairés de la com’, sans compter les littérateurs en tout genre. Prodigieux tableau à la Jérôme Bosch des forgeries langagières qui endorment le bon peuple.
3. UN LIVRE PLUS ACTUEL QUE JAMAIS
Daumal n’est pas un hurluberlu, encore moins un auteur chic. C’est un écrivain qui écharpe au bout du style, du stylet, les jargons, les vains discours qui sèment la confusion. Lire René Daumal, c’est avoir, livre en main, la possibilité de s’extraire à la fois de la Babel de la confusion et de l’idiome abstrait et universel des experts, sans rapport avec la moindre réalité. Lire Daumal, ce n’est pas une prescription, c’est une ordonnance de survie pour accéder à un peu de vérité.