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Comment fabrique-t-on une icône ? Telle est la question posée en creux par Platine (Actes Sud), roman qui retrace la vie méconnue de l’actrice Jean Harlow, surnommée « la bombe platine ». Véritable sex-symbol, elle a joué, entre autres, dans Scarface de Hawks, La Belle de Saigon de Fleming, et, bien sûr, La Blonde
platine de Frank Capra. Celle qui aura fait les beaux jours de la MGM entre 1932 et 1937 fut fauchée par la maladie en pleine gloire, à l’âge de 27 ans. D’abord engoncé dans un style analytique – qui le dessert et alourdit quelque peu son propos –, le livre de Régine Detambel se fait dans un second temps plus intime, sonde l’âme de son héroïne comme les hommes n’ont cessé de sonder sa poitrine. De la relation fusionnelle avec une mère adepte de la Science chrétienne aux rapports destructeurs (aux sens propre et figuré) qu’elle entretenait avec les hommes et en particulier son beau-père, mi-incestueux mi-proxénète, c’est une vie brisée, broyée par les feux ardents de la rampe, que Detambel nous conte. Mais au-delà de son caractère sulfureux, Platine décrit aussi un combat : celui d’une femme désirant reprendre le contrôle de son corps, accaparé par les studios et par des hommes qui n’auront de cesse de vouloir le remodeler, se l’approprier pour mieux en faire l’objet et non le sujet de leurs convoitises. À travers Jean Harlow, l’auteure dépeint également une société machiste, obsédée par l’image et encore hantée par la crise de 1929. L’empathie face au désir ou l’étrange imbrication de ces deux sentiments, voilà ce qui donne toute sa force à ce portrait charnel, farouchement féministe, mais qui ne cède jamais aux sirènes du discours pur.