Éloge de la perversité
Imaginé par la romancière Ingrid Desjours, Amour fou suit Rebecca ( Clotilde Hesme) et Romain (Jérémie Renier), un couple a priori sans histoires, dans l’incapacité d’avoir un enfant. Tout bascule le jour où le frère de Romain emménage avec sa compagne dans la maison d’en face. Ce sera le début d’une spirale infernale, dont personne ne sortira indemne. À l’origine d’Amour fou, il y a l’idée excitante de renverser les codes du thriller domestique avec une histoire de machination renvoyant autant à Rebecca, de Daphné du Maurier qu’à Soupçons, d’Alfred Hitchcock. Dès les premières minutes, le réalisateur Mathias Gokalp donne le ton et distille un doux sentiment d’inquiétude qui ira crescendo, personnalisé par le trio Clotilde Hesme/Jérémie Renier/ Finnegan Oldfield. Malheureusement, aussi intéressante cette variation sur la paranoïa soit-elle, elle se révèle extrêmement plate, que ce soit dans son esthétique très « télévisuelle » ou dans sa narration expéditive. En dévoilant ses cartes dès la fin du premier acte, cette mini-série de trois épisodes expurge tout sentiment d’inquiétude et d’ambiguïté pour mieux dérouler une mécanique pantouflarde où le spectateur aura toujours un coup d’avance sur l’intrigue. Amour fou multiplie les erreurs de parcours et finit par ne susciter qu’un intérêt poli jusqu’à son final, aussi déconcertant que décevant. Dommage, tant il y avait dans cette « folle romance » matière à tordre le cou aux clichés, avec une bonne dose de perversité. Encore aurait-il fallu que Mathias Gokalp et Ingrid Desjours aient les moyens de leurs ambitions, sans s’appuyer toujours sur un casting solide. À trop confondre vitesse et précipitation, Amour fou finit par se prendre les pieds dans son propre jeu, perdant de vue l’objectif de tout bon thriller : balader le spectateur/lecteur jusqu’à la dernière minute. Disponible jusqu’au 20 mars 2020 sur Arte.tv