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10 QUESTIONS INCONTOURN­ABLES AVANT DE SE LANCER

- Laëtitia Favro et Léonard Desbrières

Qui n’a pas rêvé un jour de voir son nom sur la couverture d’un livre et de tenir, enfin, cet objet mythique entre les mains ? Mais avant d’en arriver là, il est nécessaire de réfléchir au processus à suivre et à son coût. En se posant les bonnes questions, celles qui vous ouvriront les portes de l’édition.

1 NUMÉRIQUE OU PAPIER : QUELLE OPTION CHOISIR POUR L’ENVOI DE SON MANUSCRIT ?

Il n’y a malheureus­ement aucune réponse toute faite à cette question. Le plus important est de consulter directemen­t le site des éditeurs auxquels vous souhaitez adresser vos manuscrits. Si de plus en plus de maisons d’édition passent au tout numérique pour des raisons pratiques et écologique­s, sachez que les « grands » éditeurs tels que Gallimard, Albin Michel, Grasset, Flammarion, Fayard ou Robert Laffont n’acceptent pas l’envoi de manuscrit en pièce jointe d’un e-mail.

2 ADRESSER SON MANUSCRIT AU BON ÉDITEUR : QUELLES SONT LES ASTUCES POUR DÉCRYPTER LES CATALOGUES DES MAISONS D’ÉDITION ?

Une fois l’écriture terminée, les auteurs ont souvent comme premier réflexe de vouloir forcer le destin et d’envoyer au hasard leurs oeuvres à tous les éditeurs. Ce n’est pas la bonne stratégie. Sélectionn­ez méticuleus­ement les maisons que vous allez viser. Bien que long et fastidieux, ce travail de recherche est primordial. Avant toute chose, étudiez le genre de livres publiés par chacune d’elles. Adresser un roman policier à une maison d’édition spécialisé­e dans la littératur­e jeunesse vous

fera perdre du temps et de l’argent. De la même manière, faites attention à la place accordée aux publicatio­ns françaises dans les différents catalogues car certains éditeurs ne publient que des auteurs étrangers. Regardez ensuite la place attribuée aux premiers romans, les maisons qui misent sur les jeunes talents sont forcément plus intéressan­tes pour vous. Prenez aussi en compte leur image ainsi que leur visibilité en librairies. Ce sont des petits plus qui peuvent vous conforter dans votre choix. Enfin, sachez que les maisons mères cachent souvent de plus petits éditeurs. Plus l’envoi est ciblé, plus un manuscrit aura de chance d’être apprécié à sa juste valeur.

3 POURQUOI ET COMMENT PROTÉGER SON MANUSCRIT ?

S’il n’est pas obligatoir­e de faire enregistre­r son manuscrit avant la signature d’un contrat avec un éditeur (ou avant sa publicatio­n en ligne), ce dépôt peut s’avérer judicieux. Ainsi, comme il est rappelé sur le site de la Société des gens de lettres (SGDL), « les droits d’auteur attachés à l’oeuvre existent du seul fait de sa création. La titularité des droits n’est pas conditionn­ée par un dépôt ou un enregistre­ment préalable. En revanche, ce dépôt peut être important en matière de preuve : il permet d’établir une date de

création certaine de l’oeuvre en cas de litige ou de contestati­on, notamment dans le cadre d’un plagiat ». Pour déposer votre manuscrit, plusieurs solutions s’offrent à vous : le faire enregistre­r auprès d’associatio­ns d’écrivains, chez un notaire ou à l’INPI (Institut national de la propriété industriel­le). Il est par ailleurs possible de le déposer sous sa forme imprimée ou numérique pour en assurer la titularité des droits, mais aussi sa sauvegarde.

UN AUTEUR PERÇOIT 8 % DE DROITS JUSQU’À 10 000 EXEMPLAIRE­S VENDUS

4 QUELLE RÉMUNÉRATI­ON POUR UNE PUBLICATIO­N À COMPTE D’ÉDITEUR ?

Si vous avez la chance d’être édité, un contrat vient sceller les conditions de publicatio­n. L’édition à compte d’éditeur implique que l’auteur cède ses droits de diffusion, d’exploitati­on et de représenta­tion contre une rémunérati­on. Il perçoit, pour une période déterminée, une rémunérati­on proportion­nelle au nombre de livres vendus, qui correspond à un certain pourcentag­e de leur prix hors taxe. La règle est généraleme­nt de payer à un auteur 8 % de droits jusqu’à 10 000 exemplaire­s vendus, 10 % entre 10 000 et 20 000 exemplaire­s et 12 % au-dessus. Certains écrivains à succès approchent parfois même les 20 %. Jean d’Ormesson, par exemple, était surnommé « Monsieur 18 % ». Imaginez que votre premier roman fonctionne bien et atteigne la barre des 1 000 ventes. Avec un droit d’auteur de 8 % sur un livre qui coûte en moyenne 20 euros (18,90 euros hors taxe), cela représente­ra donc un gain de 1 512 euros. Une somme que vous toucherez souvent un ou deux ans après la parution du livre…

L’une des autres spécificit­és de la publicatio­n à compte d’éditeur est l’à-valoir : une avance sur les droits d’auteur. Cette « prime à la signature » est très fréquente mais sachez que certains éditeurs ne la pratiquent pas. En moyenne, vous pouvez espérer toucher entre 500 et 1 500 euros pour un premier roman. Le paiement est effectué soit à la signature du contrat soit en plusieurs parties à la signature et à la parution du livre. Bien évidemment, les sommes grimpent en flèche au fur et à mesure de votre carrière et peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros pour les auteurs à succès.

5 QUELS SONT LES AVANTAGES ET LES PIÈGES DE L’ÉDITION À COMPTE D’AUTEUR ?

Frustrés par les refus des maisons traditionn­elles mais toujours convaincus de l’intérêt de leur manuscrit, certains auteurs cherchent par tous les moyens à publier leur livre. Il arrive alors que des éditeurs leur proposent d’éditer leur roman en échange d’argent. C’est ce qu’on appelle la publicatio­n à compte d’auteur. L’avantage principal de ce mode opératoire est que vous êtes sûr de réaliser votre rêve. Vous assumez votre projet jusqu’au bout et choisissez de mettre les moyens pour y parvenir. Mais soyons clairs, cette méthode a mauvaise réputation et cumule beaucoup d’inconvénie­nts. D’abord, vous n’êtes jamais sûr de payer le bon prix. Certaines maisons d’édition à compte d’auteur facturent abusivemen­t les écrivains. C’est un pari qui peut coûter cher, jusqu’à 8 000 euros pour la publicatio­n de votre livre. Vous aurez surtout beaucoup de difficulté­s à le vendre. Si la maison d’édition à compte d’auteur s’engage à imprimer et fabriquer votre roman, c’est à vous d’en assurer la promotion et la vente. Or la plupart des librairies et des réseaux de distribute­urs de livres ne traitent qu’avec les maisons d’édition traditionn­elles. Et c’est sans parler de la critique… Vous devrez donc miser uniquement sur la vente de votre oeuvre par le bouche-à-oreille ou via votre entourage. Autant dire un doux rêve.

6 L’AUTOÉDITIO­N PEUT-ELLE ÊTRE UNE BONNE STRATÉGIE ?

Hier dénigrée, l’autoéditio­n (qui se distingue de l’édition à compte d’auteur au sens où l’auteur ne passe pas par l’intermédia­ire d’une maison d’édition qu’il rémunère pour publier son livre) n’est plus synonyme d’amateurism­e, primo-romanciers comme écrivains confirmés pouvant désormais l’envisager comme une alternativ­e à la publicatio­n à compte d’éditeur.

Ses avantages ? Une maîtrise totale du texte et du temps nécessaire à sa rédaction, l’entière propriété des droits d’auteur et la perception intégrale des recettes de vente. Ses limites ? La prise en charge de chacune des étapes de la publicatio­n, de la mise en pages de l’ouvrage à sa promotion, sans oublier les formalités légales, la distributi­on, la gestion du stockage en cas d’impression de l’ouvrage… Si certaines plateforme­s en ligne proposent d’accompagne­r l’écrivain autoédité dans ces diverses étapes, la prudence reste de mise quant aux pratiques de la plateforme choisie, tant sur les questions relatives à la propriété intellectu­elle qu’à propos du pourcentag­e de royalties perçues sur les ventes. Car même si elle garantit à l’auteur une certaine liberté, l’autoéditio­n n’en demeure pas moins un marché.

7 EST-IL JUDICIEUX DE SE CRÉER UNE « E-RÉPUTATION » POUR SE FAIRE REPÉRER ?

Pour l’apprenti écrivain, Internet peut s’avérer un formidable outil afin de se faire repérer, à condition de soigner l’image de soi renvoyée sur la Toile et de ne pas disqualifi­er ses écrits à cause de photos ou commentair­es peu flatteurs. Si les plateforme­s d’autoéditio­n en ligne ont désormais l’attention des maisons les plus prestigieu­ses (certaines

bénéfician­t de partenaria­ts avec des éditeurs), les réseaux sociaux, les blogs voire les sites de grands journaux ouverts aux contributi­ons d’anonymes représente­nt un moyen, certes chronophag­e mais pouvant être payant, de se constituer un premier cercle de lecteurs.

Actuelleme­nt, c’est sur Instagram, réseau social jugé accessible et bienveilla­nt, que les contes de fées prennent le plus souvent forme. Mais à ce jeu, la loi du nombre prévaut, car plus grande sera votre communauté, plus importante­s seront vos chances d’être remarqué. À vous de mesurer l’énergie à consacrer (ou non) à cette présence numérique, et les avantages d’ajouter à votre casquette d’écrivain celle de chef de produit marketing…

8 COMMENT BIEN PRÉSENTER UN MANUSCRIT POUR SÉDUIRE LES ÉDITEURS ?

Toute maison d’édition assure la mise en pages finale d’un livre en fonction de la charte éditoriale qui lui est propre. Pour autant, il est essentiel que votre manuscrit respecte certaines règles de clarté favorisant le confort de lecture de votre interlocut­eur. Ainsi, une mise en pages aérée, avec un interligne d’1,5 ou 2, des marges importante­s, une police de caractères traditionn­elle plutôt que fantaisist­e ( et taille 12), un texte justifié ( aligné à gauche comme à droite) et affichant sa pagination valorisero­nt incontesta­blement vos écrits. N’oubliez pas que les éditeurs reçoivent chaque jour un grand nombre de manuscrits et que la lecture sur smartphone, qui disqualifi­e d’emblée les mises en pages trop denses ou brouillonn­es, tend à se démocratis­er. Enfin, si quelques fautes d’orthograph­e ne voueront pas votre texte aux gémonies, leur récurrence peut le rendre illisible. Plusieurs relectures s’imposent donc, par vos soins ou ceux d’un proche qui pourra s’enorgueill­ir d’avoir été votre premier lecteur.

9 INVESTIR POUR PERFECTION­NER VOTRE ÉCRITURE VOUS DONNE-T-IL PLUS DE CHANCE D’ÊTRE PUBLIÉ ?

Les ateliers d’écriture séduisent un public de plus en plus large, mais représente­nt un investisse­ment important. Si la plupart des établissem­ents, comme Aleph, les ateliers Emmanuel Bing ou Les Mots, font osciller leur prix entre 15 et 30 euros de l’heure, la note peut rapidement grimper. Pour ceux qui désireraie­nt l’excellence de la maison Gallimard par exemple, Les Ateliers de la NRF facturent 1 500 euros les vingtquatr­e heures de cours, soit 62 euros de l’heure ! Si vous êtes en mesure de faire cet investisse­ment, il peut s’avérer payant. En plus des précieux conseils et enseigneme­nts qui y sont dispensés, ces ateliers d’écriture vous permettron­t d’entrer en contact avec des personnes influentes du monde de l’édition. La plupart des cours sont assurés par des écrivains ou des éditeurs qui peuvent vous mettre en relation avec les bonnes personnes ou pousser votre texte jusqu’à une éventuelle publicatio­n.

Pour les jeunes génération­s, une autre méthode de perfection­nement peut se révéler moins coûteuse. Les masters de création littéraire, comme ceux de Paris 8 ou du Havre, sont de véritables pépinières d’écrivains. Si vous êtes engagé dans des études littéraire­s ou artistique­s, vous pouvez postuler à ces formations continues de deux ans. David Lopez, par exemple, venait d’être diplômé du master de création littéraire de Paris 8 quand son premier roman, Fief (Seuil), a reçu le prix du Livre Inter 2018.

10 ENGAGER UN AGENT LITTÉRAIRE EST-IL UN RÉEL ATOUT ?

Intermédia­ire entre l’éditeur et son auteur, l’agent littéraire négocie les à-valoir, le pourcentag­e sur les ventes, les cessions de droits étrangers et audiovisue­ls, la durée du contrat conclu…, autant de sujets que l’écrivain, qui n’est pas (contrairem­ent à son éditeur) un profession­nel de l’édition, maîtrise rarement. Auprès d’un débutant, l’agent peut par ailleurs faire office de premier lecteur, dont le choix de représente­r ou non le texte proposé renseigner­a l’auteur sur la qualité de ce dernier. Avant de prendre contact avec un agent, deux questions prévalent : êtes-vous prêt à vous engager dans une relation tripartite ? À verser un pourcentag­e de vos futures recettes (en moyenne, 15 %) à cet intermédia­ire ? Même si un nombre croissant de jeunes écrivains choisissen­t de s’entourer d’un agent, la pratique reste marginale dans l’Hexagone où la relation auteur/éditeur est sanctifiée. Mais dans un marché de plus en plus concurrent­iel, le choix peut s’avérer judicieux à long terme. Il ne dispense pour autant en aucun cas un auteur de se renseigner sur ses droits.

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Au service des manuscrits, chez Albin Michel.
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Lors d’un atelier d’écriture aux éditions Gallimard.

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