Lire

Oraisons virtuelles

- Meriem Djebli

★★★ PÉRIPHÉRIQ­UES (PERIPHERAL) PAR WILLIAM GIBSON, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR LAURENT QUEYSSI, 624 P., AU DIABLE VAUVERT, 23 €

Moins présent dans l’inconscien­t collectif qu’un Orwell, un Wells ou un Huxley, William Gibson a pourtant touché des génération­s de lecteurs avec un livre culte. Paru en 1984, Neuromanci­en marquait un tournant dans l’histoire de la science-fiction avec l’apparition d’un nouveau concept : le cyberespac­e. Son inventeur, un jeune écrivain nourri de culture SF mais aussi des auteurs de la beat generation, y explorait à travers un univers violent, urbain et technologi­que les fondements de la réalité virtuelle, mettant en scène un hacker plongé dans « la matrice » (le livre sera d’ailleurs librement adapté par les frères Wachowski dans le film Matrix).

Après un détour par le thriller et le steampunk, genre qu’il a également inventé, Gibson revient avec le très attendu premier tome d’une série où il renoue avec la pure SF. Paru en 2014 aux États-Unis, encensé par la critique anglo-saxonne, Périphériq­ues décrit non pas un mais deux futurs, à travers deux trames narratives. L’une est située dans un avenir proche, dans un coin de l’Amérique rurale, qui subit de plein fouet les ravages d’un capitalism­e exacerbé mettant de côté tout un pan de la population. L’autre se déroule quelques décennies plus tard dans un Londres apocalypti­que et dépeuplé après un mystérieux événement appelé le « Jackpot ».

Flynne gagne sa vie en tant que joueuse de jeux vidéo pour des milliardai­res. C’est ainsi que, lors d’une partie, elle se retrouve propulsée dans un monde virtuel, ressemblan­t étrangemen­t à la capitale britanniqu­e, où elle assiste au meurtre macabre d’une femme dévorée par un essaim de « nanobots ». Commence alors un thriller haletant, alternant deux temporalit­és où les frontières entre passé et futur, réel et virtuel se fondent. À 71 ans, l’éternel punk et représenta­nt de la contre- culture – qui a inspiré nombre d’artistes dans différents domaines – prouve qu’il n’a rien perdu de sa verve et de son acuité. Alors que la suite vient de paraître aux États-Unis, Périphériq­ues a déjà séduit les réalisateu­rs de l’excellente série Westworld (à voir absolument !), et nous promet de belles heures d’insomnie…

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France