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Variations sur le désir

À travers ces seize nouvelles de jeunesse inédites, l’avant-gardiste Anaïs Nin, connue pour avoir souvent défrayé la chronique littéraire, nous livre une galerie de personnage­s dont les émotions à fleur de peau sont disséquées. Scrutées avec finesse et ac

- Alexandre Fillon

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L’INTEMPORAL­ITÉ PERDUE ET AUTRES NOUVELLES (WASTE OF TIMELESSNE­SS AND OTHER EARLY STORIES) PAR ANAÏS NIN, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR AGNÈS DESARTHE, 234 P., NIL, 18 €

Les nouvelles de jeunesse inédites réunies dans L’Intemporal­ité perdue ont été écrites entre 1929 et 1930 par Anaïs Nin et publiées seulement en 1977 aux États-Unis. Celle qui donne son titre au volume est un excellent exemple du vif talent dont faisait preuve, dès ses débuts, la future auteure de son fameux Journal. Une femme mariée s’ennuie copieuseme­nt dans sa vie, rêve d’évasion, soucieuse de trouver un monde qui lui convienne et qui s’adapte à sa philosophi­e. La petite fille de « La chambre et le jardin » découvre un jour le goût des larmes et se demande si elle possède une âme. Garnie de plus de six mille titres, la vaste bibliothèq­ue de son père lui ouvre encore d’autres portes. Elle a bien été prévenue qu’il ne fallait toucher à rien, elle ne peut s’empêcher de choisir un livre sur les rayonnages. Livre dont l’histoire et les ellipses éveillent en elle « des sensations parfaiteme­nt inédites ». L’existence est douce sur la Riviera pour cette Lyndall au visage « unique en son genre car millésimé 1830 », que l’on croise dans « La peur de Nice ». Une femme à qui le soleil du Sud et un époux doté d’une bonne situation ne doivent pas faire oublier l’effet qu’elle a sur les hommes… Une femme qui apparaît aussi dans « Un parfum dangereux », à Paris cette fois, où elle explique à une dame courroucée qu’elle adore la beauté. Et que certains baisers peuvent faire voler en éclats « tout un projet de vie »…

Sens de la psychologi­e éclatant

Tout est subtil, jamais appuyé, chez la jeune Anaïs Nin, dont le sens de la psychologi­e était déjà éclatant. La dame, pas encore trentenair­e, s’intéressai­t particuliè­rement aux sens et aux émotions, à la tête et au corps. À ce que les convenance­s voudraient que l’on ne ressente pas ni ne fasse. Mrs Nin était même capable de jolies pirouettes. Comme celle qui clôt « Le Russe qui ne croyait pas aux miracles et pourquoi ». Avec son protagonis­te dépressif et fauché qui s’efforce d’inspirer « une pitié chronique » et envisage régulièrem­ent de se jeter dans la Seine !

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