Les âmes errantes
Sur fond d’une France traumatisée, Martin Quenehen et Bastien Vivès mettent en scène deux héros aux antipodes l’un de l’autre.
HHHHI
QUATORZE JUILLET PAR BASTIEN VIVÈS (DESSIN) ET MARTIN QUENEHEN (SCÉNARIO), 256 P., CASTERMAN, 22 €.
EN LIBRAIRIE LE 11 MARS.
Martin Quenehen est un garçon aux talents multiples, capable d’écrire des textes érudits sur les Juifs médiévaux, de contribuer intelligemment au genre littéraire « souvenirs d’un prof de banlieue » et enfin de produire des émissions de radio où son style pertinent et opiniâtre a fait mouche. Quatorze juillet prouve qu’il peut être aussi un excellent scénariste, mûr pour passer, si ça lui chante, au polar de grande classe.
À quoi reconnaît-on un excellent scénariste ? À ce qu’il laisse sa chance à chacun de « ses » personnages – le plus important étant dans le pronom possessif et dans le fait que le scénariste reste Dieu le Père. Ici, on est en province, c’est-à-dire au coeur du monde, rempli de rumeurs d’attentats terroristes et de migrants refoulés.
Les deux héros principaux sont un jeune gendarme droit dans ses bottes, mais un peu trop porté sur les « initiatives personnelles », et un vieil artiste à la dérive, dont l’épouse est morte dans un attentat. Des jeunes femmes circulent, et leur désir. Comme souvent dans les scénarios d’aujourd’hui, le point de vue le plus équilibré est celui d’une femme – ici Stéphanie, une collègue du gendarme –, ce qui n’empêchera pas tout cela de se terminer un peu mal pour des innocents ; mais y a-t-il des innocents ?
Le dessin de Bastien Vivès, à la fois nettement dessiné, contrasté noir et blanc et encré flou, colle parfaitement à l’atmosphère, qui mélange les obsessions du protagoniste principal à l’ambiguïté des situations. L’image finale est celle d’une oeuvre d’art, résultante de toute cette histoire : une métaphore, évidemment, d’une plus longue histoire, celle de nous autres où, comme on disait dans un « vieux film » : « Ce qui est terrible sur cette Terre, c’est que tout le monde a ses raisons. »