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Touche pas à mon peuple

Dans son nouvel essai, Pierre Rosanvallo­n se penche sur la notion de populisme, expression d’un désenchant­ement qui s’étend. Il en retrace l’histoire tout en proposant des solutions alternativ­es.

- Philippe Chevallier

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LE SIÈCLE DU POPULISME. HISTOIRE, THÉORIE, CRITIQUE

PAR PIERRE ROSANVALLO­N,

288 P., SEUIL, 22 €

Notre démocratie serait-elle plus démocratiq­ue si elle était plus directe ? Serions- nous mieux représenté­s si les médias et les élites disparaiss­aient ? Avoir un chef au lieu d’un expert à la tête de l’État nous rendrait-il un destin ? Ces questions, le Venezuala de Chávez, la France de Mélenchon ou la Hongrie d’Orbán les posent à notre siècle. Pour ne pas y répondre, il est commode de faire du populisme un symptôme, de l’urticaire sous un Gilet jaune.

S’il n’en partage pas la vision, Pierre Rosanvallo­n, syndicalis­te et professeur au Collège de France, choisit de prendre le populisme au sérieux et de le considérer comme une véritable propositio­n politique – une propositio­n malgré tout démocratiq­ue si l’on entend par démocratie une forme en perpétuell­e recherche et expériment­ation. L’analyser au regard de l’histoire de la pensée, sans le réduire à un simple ras-le-bol, telle est l’originalit­é de son essai Le Siècle du populisme, qui stimule notre imaginatio­n politique sans prendre personne de haut. Remontant à Napoléon III, empereur-peuple, il traverse les révolution­s latinoamér­icaines avant de croiser le Rassemblem­ent national et les Insoumis.

Un traité de philosophi­e politique

Si le populisme est de droite comme de gauche, Rosanvallo­n en dégage cinq invariants : la croyance en une volonté populaire, son incarnatio­n dans un leader, un dialogue peuple-leader direct, un souci de protéger le peuple, un retour des émotions. Au terme de ce parcours passionnan­t, le populisme n’est plus la ruse d’un fascisme secret, mais la péripétie d’une démocratie exigeante et inquiète d’elle-même. L’occasion de revenir aux problèmes fondamenta­ux : ceux de la représenta­tion, du référendum, de l’incarnatio­n du pouvoir.

Les solutions alternativ­es au populisme proposées par Rosanvallo­n font de ce livre non pas un essai de circonstan­ce, mais un vrai traité de philosophi­e politique. En ouverture de ses Considérat­ions sur le gouverneme­nt représenta­tif (1861), John Stuart Mill notait que conservate­urs et libéraux avaient perdu la confiance dans les principes qu’ils continuaie­nt d’ânonner car ils n’avaient rien trouvé de mieux. En écoutant sans complaisan­ce ni peur les questions provocante­s du populisme, Rosanvallo­n actualise les mots de Mill : « Une doctrine plus satisfaisa­nte doit pourtant être possible. »

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Jean-Luc Mélenchon, président de La France insoumise. Bordeaux, 2019.
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