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Pour une édition-monde

- Nathalie Carré N.C. R.T. Raphaël Thierry. N.C. R.T. Propos recueillis par G.M.

La majorité des livres sont publiés dans des langues parlées en Europe, pourtant il en existe plus de 7 000 à travers le monde. Que fait le secteur de l’édition française pour faire vivre les langues minorées ? Coordinate­urs d’un titre* de la collection « Bibliodive­rsity » sur le sujet, Nathalie Carré et Raphaël Thierry répondent à nos questions.

Quelles sont les différente­s langues minorées en France ?

• & La notion de « minoration » est toujours relative, pour ce qui est de la dénominati­on officielle des « langues de France ». Celle-ci recouvre les langues régionales, celles des Outre-mer, mais aussi les langues non territoria­les parlées sur le territoire (l’arménien, l’arabe, le yiddish, etc.).

Quelle est la place qu’elles occupent dans l’édition française ?

• & Si l’on s’intéresse aux grandes maisons d’édition françaises, cette place est très réduite, voire quasi inexistant­e : ces dernières publient uniquement en français et même les traduction­s des langues minorées sont peu nombreuses ( Actes Sud traduit par exemple du corse, Gallimard ou Christian Bourgois, les écrivains basques Kirmen Uribe ou Bernardo Atxaga). C’est plutôt dans les « marges » que l’on s’intéresse aux langues moins représenté­es : en France, une maison indépendan­te comme Vents d’ailleurs a publié en créole Dézafi de l’Haïtien Frankétien­ne ; Zulma coédite une collection en wolof, « Céytu », avec l’éditeur canadien Mémoires d’encrier. Les maisons d’édition qui proposent un catalogue véritablem­ent centré sur les langues minorées sont généraleme­nt de petites structures régionales, souvent des associatio­ns très militantes – Albiana pour le corse, Fédérop pour l’occitan mais il en existe bien d’autres… Enfin, les revues et des sites dédiés sur Internet jouent également un rôle important. Nous sommes en tout cas sur une édition de niche.

Existe- t- il cependant une tendance à mieux représente­r les langues ?

• & L’édition jeunesse est sans doute le secteur le plus ouvert à la multiplici­té des langues. Les éditions Auzou proposent ainsi des traduction­s des ouvrages de son héros P’tit Loup en chti, breton, alsacien, créole martiniqua­is, guadeloupé­en, guyanais. Didier jeunesse, avec ses albums de comptines, permet de lire et d’écouter des langues minorées de France ou d’ailleurs. Malgré cela, la route est encore longue avant qu’un nouveau Frédéric Mistral, Prix Nobel 1904 de littératur­e pour son oeuvre en provençal, ne surgisse à nouveau. Mais des écrivains reconnus publient en langue minorée. Leur rayonnemen­t permet de mettre en lumière le corse (Marcu Biancarell­i), le créole (Frankétien­ne, Lyonel Trouillot), le basque (Bernardo Axtaga) et même le kikuyu puisque le Kényan Ngugi wa Thiong’o, régulièrem­ent cité comme auteur potentiell­ement nobélisabl­e, écrit ses fictions dans cette langue. * Langues minorées, coordonné par Nathalie Carré et Raphaël Thierry, collection AIEI-Double ponctuatio­n/Bibliodive­rsity, 192 p.,

20 € en version papier, 10 € en version numérique.

Pour commander : double-ponctuatio­n.com, alliance-editeurs.org ou en librairie.

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