Au coeur de la terreur
Mort en 1950, le reporter, écrivain et diplomate polonais Ksawery Pruszynski a livré un reportage sobre et inspiré sur la guerre civile espagnole. Dont il a couvert les sanglants événements.
HHHII ESPAGNE ROUGE. SCÈNES DE LA GUERRE CIVILE 1936-1937 (W CZERWONEJ HISZPANII) PAR KSAWERY PRUSZYNSKI, TRADUIT DU POLONAIS PAR BRIGITTE GAUTIER, 496 P., BUCHET-CHASTEL, 27 €
Barcelone, septembre 1936. Dans la capitale catalane assiégée, Ksawery Pruszynski (1907-1950) assiste à sa première corrida. Dans les arènes, un orchestre militaire exécute l’hymne de la révolution prolétarienne, « Debout ! damnés de la terre ». Le journaliste polonais est incommodé par le spectacle. « Dans ce pays de magnifiques sanctuaires, pays de sainte Thérèse et d’Ignace de Loyola, le catholicisme s’est glissé subrepticement à côté du combat de taureaux, y a entortillé ses fêtes », observe-t-il dans Espagne rouge, mêlant avec bonheur choses vues et réflexions historiques, descriptions à la pointe sèche et envolées inspirées. Il raconte les exactions des anarchistes comme celles des insurgés franquistes, sans parti pris.
Mais plus que le sang versé, c’est le peuple espagnol plongé dans la tragédie qui l’accapare : les médecins et les religieuses, les paysans et les instituteurs, une prostituée et un traducteur d’Antigone. Ses « scènes de la guerre civile » sont une révélation littéraire, à placer d’emblée à côté d’Hommage à la Catalogne d’Orwell et d’À feu et à sang de Chaves Nogales. « La vérité fut certainement la première victime de la guerre d’Espagne », affirme l’historien Antony Beevor. Ce livre permet de s’en rapprocher.
Une figure de la liberté
En 1940, Pruszynski s’engagera dans l’armée polonaise du général Anders, en exil à Londres. Il sera grièvement blessé en 1944 à Falaise. De retour à Varsovie, cet anticommuniste deviendra diplomate. Il mourra en 1950 dans un mystérieux accident sur une route allemande. Il est aujourd’hui célébré dans son pays comme une figure de la liberté.