Le freak, c’est chic
Fabrice Colin, qui collabore à notre magazine, ressuscite nains, géants et siamois, nous plongeant, côté coulisses, dans le film culte des années 1930. Une atmosphère noire à souhait portée par de savoureux dialogues.
Freaks, de Tod Browning, est l’exemple achevé du « film culte ». Aucun cinéphile ne peut l’ignorer, et son visionnage reste une expérience dont on ne sort pas indemne. Deux artistes doués – le romancier Fabrice Colin et l’illustratrice Joëlle Jolivet – se sont saisis de la partie la plus troublante de cette histoire, la genèse du long-métrage, pour mieux fantasmer à son sujet. Le film s’y prête, tout comme le triste destin de Browning – même si l’on a parfois exagéré le traitement que lui avaient réservé les studios, le cinéaste ayant
pu tourner à nouveau pour la MGM après l’échec retentissant de Freaks.
Dans Freak Parade, tout tourne autour d’un vague « quatrième assistant », Harry
Monroe, un naïf recruté par la production précisément pour son ingénuité, et entraîné dans une spirale plus monstrueuse encore
que ce que montre le film. Sur l’écran, les
nains côtoient les géants, les soeurs siamoises les « culs-de-jatte sans bras », dans une histoire d’amour tragique. Hors champ, l’affaire, plus grave, a pour toile de fond
la drogue et la mafia, et tout le monde est
mouillé. Fabrice Colin a le sens des mots qui portent, à la façon des grands dialoguistes de
Hollywood (« J’étais arrivé avec de grandes ambitions, mais cette ville était plus grande encore »). Joëlle Jolivet, qui s’aventure ici pour la première fois dans la BD, dépeint avec force ambiances et personnages cette histoire en noir et blanc – noir du film noir, blanc de la coke.
FREAK PARADE, FABRICE COLIN ET JOËLLE JOLIVET, 144 P., DENOËL GRAPHIC, 23 €