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MESURES D’URGENCE POUR LA FILIÈRE DU LIVRE

Le Centre national du livre a annoncé un plan de soutien économique aux éditeurs, auteurs et libraires. Sans compter les manifestat­ions littéraire­s, qui ne peuvent se tenir dans les conditions de distanciat­ion imposées. Autant de dispositif­s mis en place

- Alexandre Fillon

« Etablissem­ent public du ministère de la Culture, le CNL soutient tous les acteurs de la chaîne du livre », nous explique le site Internet du Centre national du livre. Un site où l’on trouve également quelques chiffres parlants. L’auguste institutio­n au service du livre et de la lecture depuis 1946 – elle s’appelait alors la Caisse nationale des lettres avant de changer de nom en 1973 – possède la bagatelle de 22 dispositif­s de soutien. En 2019, l’établissem­ent a aidé pas moins de 2 344 projets et distribué 19 millions d’euros au titre des aides.

En cette singulière année 2020, la situation, on s’en doute, n’est pas tout à fait la

même. Fermé depuis le début du confinemen­t et jusqu’au 2 septembre prochain, ses élégants locaux de la rue de Verneuil à Paris

permettant difficilem­ent le respect des gestes

barrières entre les 70 employés, le CNL continue son travail à distance. Des aides d’urgence ont été mises en place pour soutenir auteurs, libraires et petits éditeurs en cette période particuliè­rement difficile économique­ment. « Le CNL est un modèle unique au monde », affirme son président,

Vincent Monadé, qui a terminé un premier mandat de cinq ans et attend depuis deux ans, en intérim, son renouvelle­ment ou la nomination de son successeur. « La Grèce a, un temps, eu une institutio­n similaire à la nôtre, poursuit-il, mais elle a dû fermer au moment de la crise économique. Sous tutelle du ministère de la Culture, le CNL gère un budget annuel de 20 millions d’euros appelé à être distribué à toute la chaîne du livre. »

UN SOUTIEN FINANCIER ET PSYCHOLOGI­QUE

Pour cela, le CNL fonctionne avec diverses commission­s constituée­s d’un président et d’une quinzaine de profession­nels du livre qui se réunissent trois fois par an afin d’attribuer des subvention­s – avec l’appui des membres du CNL, qui gèrent la bonne tenue des séances aux côtés de leur président. Jean-Pierre Montal, des éditions Rue Fromentin, reconnaît volontiers l’importance d’une contributi­on à la traduction par le CNL: « Pour une petite maison, ça vous sauve la vie, on se met à respirer. Les Intéressan­ts

de Meg Wolitzer, on sait aujourd’hui que c’est devenu un succès. À l’époque, c’était surtout un gros enjeu pour nous. Publier un roman de 600 pages d’une auteure américaine qui ne s’était pas encore imposée en France était un grand risque. L’aide du CNL s’élève à 30 à 40 % du volume que représente la traduction, en tenant compte du tarif du traducteur. Cela permet d’entreprend­re des projets dans lesquels on ne pourrait absolument pas s’engager autrement. L’aide n’est pas seulement financière,

elle est aussi psychologi­que. Il est extrêmemen­t réconforta­nt de savoir qu’un jury de profession­nels a envie de vous soutenir dans une aventure éditoriale. »

Dans le domaine français, l’aide aux écrivains change également la donne, enchaîne Jean-Pierre Montal : « Le CNL

a été vital pour Patrice Jean, un auteur que nous défendons bec et ongles depuis la parution de son premier livre. La bourse qu’il a reçue lui a permis de prendre un congé sabbatique et ainsi de se consacrer chaque jour à l’écriture de son roman le plus ambitieux, L’Homme surnumérai­re. Il n’aurait pas pu le faire sans cela. »

Vincent Monadé et son équipe ne chôment pas. Le président du CNL précise que les aides à la traduction existent aussi pour

« LE CNL NE MÉNAGE PAS SES EFFORTS POUR REMETTRE LE LIVRE ET LA LECTURE AU CENTRE DES PRATIQUES CULTURELLE­S DES FRANÇAIS »

soutenir la traduction des livres français à l’étranger. Il insiste sur l’importance de Partir en livre, créée en 2015, grande fête nationale consacrée au livre jeunesse sur tout le territoire français et en Outre-mer qui a réuni 700 000 personnes l’an passé. Le but étant d’apporter les livres là où se trouvent les jeunes lecteurs, sur leurs lieux de vacances ou près de chez eux. « La lecture reste l’enjeu majeur aujourd’hui, continue Vincent Monadé. La disparitio­n des grands lecteurs est effective depuis les années 1980. Nous ne ménageons pas nos efforts pour remettre le livre et la lecture au centre des pratiques culturelle­s des Français. »

S’ADAPTER EN TEMPS RÉEL

Pour l’heure, le CNL travaille à la mise en place d’un plan de relance d’urgence décidé par le ministère de la Culture après le confinemen­t « pour que personne ne reste au bord du chemin ». « La situation actuelle est très dure, insiste Vincent Monadé, il faut réagir vite. Les trois quarts des manifestat­ions culturelle­s du printemps et de l’été ont été annulées. Celles de la rentrée, à commencer par Le livre sur la place, à Nancy, ont dû fortement revoir leur modèle. La Foire de Brive, qui génère 780 000 euros de chiffre d’affaires libraires, ne pourra se tenir comme les années

précédente­s avec la nécessité de gérer les flux. C’est une perte

sèche pour les auteurs, qui sont rémunérés. Les rencontres en librairie n’ont pas non plus encore repris. La librairie française a heureuseme­nt enregistré une hausse de plus de 20 % de chiffre

d’affaires fin juillet. Nous pouvions craindre cette année une

chute de 40 % dans le secteur de l’édition, cela ne devrait pas, heureuseme­nt, dépasser 20 %. »

Confiant, Vincent Monadé ? Le président du CNL se prononcera fin décembre. Après la rentrée littéraire, « une spécialité française liée aux prix littéraire­s ». « Ce sont la qualité et la force de l’offre qui permettent les succès de fin d’année, rappelle-t-il. Les jurys littéraire­s seraient bien avisés de l’écouter ! »

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Avec 511 nouveaux romans, cette rentrée littéraire est celle de tous les dangers… ou de tous les espoirs.

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