Noir, c’est noir
Bien que situé dans les années 1950, le roman Lovecraft Country, écrit en 2016 par Matt Ruff, se révèle plus que jamais d’actualité. On y suit les aventures d’Atticus, jeune vétéran afro-américain, à la recherche de son père. Dans cette odyssée terrifiante se croiseront secte esclavagiste, fantômes vindicatifs et autres créatures monstrueuses, chaque figure représentant une facette de l’Amérique ségrégationniste. Aborder le racisme d’un pays par le prisme de l’horreur, voilà la riche idée du livre dont le titre met les pieds dans le plat par son analogie avec l’oeuvre de H.P. Lovecraft. Mais là où il se révèle très malin, c’est dans sa manière de retourner contre elle la rhétorique de Lovecraft en faisant de l’Amérique raciste des années 1950 le vrai monstre de son récit. L’adaptation télévisée en reprend la structure à partir d’histoires indépendantes mais intrinsèquement connectées. Lovecraft Country dresse le portrait d’une société gangrénée par la haine jusque dans ses plus hautes institutions, partagée entre attraction et répulsion pour l’homme noir. Pas étonnant de retrouver à la production Jordan Peele, qui, dans Get Out, avait abordé le sujet de manière moins allégorique mais tout aussi impactante. On y retrouve l’humour cinglant, le grotesque et cette inquiétante étrangeté qui nous happe. De là à dire que Get Out et Lovecraft Country sont les deux faces d’une même pièce, il y a un pas franchissable tant les oeuvres se nourrissent l’une l’autre. Dommage que la mise en scène parfois très fonctionnelle et quelques libertés prises avec le livre matriciel amoindrissent le fascinant postulat.
Sur OCS City à partir du 17 août