Spirou en temps de guerre froide: le groom voit rouge
Spirou contre « la vermine communiste » ? C’est le pitch délirant de cet album plus subversif qu’il n’en a l’air.
Après Tintin, c’est au tour d’une autre icône de la BD franco-belge, Spirou, de venir faire un tour en URSS dans un opus aussi spectaculaire que drôle. Rien ne va plus à Champignac : le comte a été enlevé par des agents du KGB tandis que Spip, l’écureuil, semble avoir été exposé à une onde qui l’oblige à pointer invariablement vers l’Est ! N’écoutant que leur courage, Spirou et Fantasio s’envolent pour l’Union soviétique afin de délivrer leur ami dont les connaissances en mycologie pourraient bien servir à construire une arme visant à répandre le gène du communisme dans le monde entier !
Multipliant les références (de Tchekhov à Pif en passant par Tintin), cette bande dessinée n’est pas à prendre au premier degré. Faussement naïve mais véritablement ironique, Spirou chez les soviets
s’amuse à cultiver l’ambiguïté tant dans son imagerie que dans son intrigue délicieusement désuète.
Derrière cet album à forte teneur en causticité, nous retrouvons Fred Neidhardt et Fabrice Tarrin, transfuges de Pif Gadget et du Journal Spirou, également passés par les revues Psikopat et L’Écho des savanes.
Deux spécialistes du grand écart, donc, qui ont toujours su allier à la perfection humour et subversion. On retrouve ici le goût pour l’imposture de Fred Neidhardt, tandis que le dessin de Tarrin renvoie aux plus belles heures du Journal Spirou. Malicieux sans jamais être moqueur, Spirou chez les soviets,
sous ses allures de madeleine proustienne, se savoure plutôt comme un fruit aigre, aussi doux à l’extérieur que corrosif à l’intérieur. Une BD de « sales gosses » mais nantie d’un amour infini pour ses héros et le caractère universel de leurs aventures.