Personne n’est innocent
En attendant de découvrir la rentrée théâtrale, plongeons-nous dans la lecture d’une pièce inédite de James Baldwin inspirée par un fait divers. Qui fait étrangement écho à notre actualité…
Il était né laid, pauvre et noir en 1924 à Harlem, dans une Amérique ségrégationniste où être noir signifiait être un citoyen de seconde zone. Mais le petit James Baldwin avait la foi, une passion inextinguible pour les livres et un talent fou pour
l’écriture qu’il utilisa tous azimuts (romans,
essais, poésie, nouvelles, théâtre) pour le
mettre au service de la défense des droits civiques des Noirs américains, aux côtés de ses amis Martin Luther King et Malcolm X.
On pensait son oeuvre – immense et
devenue culte – entièrement traduite en français. Et voilà que La Découverte publie une pièce restée ici inédite. Écrite comme un cri de colère après l’assassinat du militant Medgar Evers par un suprémaciste blanc en juin 1963, Blues pour l’homme blanc a été inspirée à l’écrivain par le meurtre d’un adolescent de 14 ans, en 1955, dans le Mississippi. Située dans la ville imaginaire de Plaguetown, la pièce tourne autour de la mort d’un jeune Noir dont le seul tort fut de tenir tête à un commerçant blanc.
LES RACINES DU RACISME
Dense, rythmé par des flash-back, se déroulant sur trois actes – le premier, dominé par la présence des Noirs, le deuxième, par celle des Blancs, le troisième consacré au procès du commerçant –, le texte s’attache à montrer comment cette mort est survenue, ce qui l’a motivée et qui en est responsable. Baldwin s’exprime avec sincérité, intelligence et humanité. S’il condamne, parfois avec rage, il sait aussi se faire avocat de la défense, cherchant à comprendre les racines du racisme. La pièce, au souffle romanesque, a presque 50 ans; on la croirait écrite aujourd’hui tant l’Amérique de 2020, celle qui a vu George Floyd agoniser sous le genou d’un policier, semble ne rien avoir appris des leçons de l’Histoire.