Picasso, le mot et l’image
« Lecteur avide d’images », le maître espagnol s’est essayé à la BD mais aussi à la poésie. Le musée Picasso lui consacre deux expositions, preuve qu’il reste tant à découvrir sur ce génie.
Pour sa réouverture, le musée Picasso crée l’événement avec non pas une mais deux expositions autour de l’oeuvre foisonnante du génie de l’art moderne (1881-1973). Le rez-de-chaussée propose une immersion dans l’univers ludique de la bande dessinée, à laquelle le maître espagnol était attaché, au point de s’en approprier les codes, au gré de ses lectures. Il voue une passion aux comic strips américains du début du xxe siècle puis collectionne Les Pieds nickelés de Louis Forton, qui publie sa série dans la revue L’Épatant. Avant ses 13 ans, Pablo Picasso conçoit des petits journaux illustrés. Il adopte ensuite une construction d’images
en séquences de manière à introduire un fil
narratif, et découpe même ses feuilles numérotées en cases. Il ajoute aux vignettes des textes dans des phylactères, les banderoles ou bulles accueillant les paroles des
personnages. Il influence les plus grands
auteurs de BD, qui incrustent dans leurs planches ses motifs les plus célèbres et
même sa propre figure. Il devient ainsi un
Homme au chapeau de paille et au cornet de glace, 30 août 1938.
Portrait-charge de Jaime Sabartés, 27 juin 1959.
thème récurrent chez Gotlib, Jean-Marc Reiser, Philippe Geluck, Art Spiegelman, Edgar P. Jacobs, Hergé et Enki Bilal. Au premier étage, changement d’ambiance avec lumière tamisée et scénographie minimaliste afin d’évoquer le goût pour l’écriture de l’artiste pluridisciplinaire, qui a produit plus de 340 poèmes entre 1935 et 1959. Le plus souvent, ils accompagnent un tableau pour expliquer le contexte de sa fabrication et développer le sujet abordé. Mais ils révèlent surtout la personnalité du virtuose qui y livre ses pensées comme dans un journal intime. À l’inverse, ses mots lui inspirent aussi des dessins et des peintures. Ami de Guillaume Apollinaire, Max Jacob, André Breton et Paul Éluard, il griffonne quotidiennement dans ses carnets, est publié dans la presse spécialisée. Ces émouvants manuscrits sont disposés pour la plupart à la verticale dans les vitrines, comme suspendus dans les airs.