QUE VAUT… LE NOUVEAU ROMAN DE SIMON LIBERATI ?
Sur la photo couleur sépia, la statue du Printemps semble décapitée. S’agit-il d’un défaut de tirage ou la métaphore du destin des Tcherepakine, ces descendants de Cosaques échoués dans un pavillon menaçant et en ruine à l’orée de la forêt de Fontainebleau? Enfants chéris de la fortune, Alexis, Taïné et Serge traînent leur insolente beauté d’événements mondains en concerts parisiens jusqu’à cette nuit du printemps 1967 où leur berlinette percute un camion : Serge est tué, Taïné, à la beauté préraphaélite, défigurée. Privé de son frère et de sa soeur, Alexis s’abandonne dans les bras d’inconnus, sous le regard de Donatien, pièce rapportée de la fratrie, sorte de « Cocteau yé-yé » ayant ses entrées chez Morand ou Aragon. Au retour de Taïné après une convalescence à New York, un nouveau trio se forme et entame une course folle entre Paris, Cannes et Bangkok, avec pour seule ambition renouvelée de « vivre la grande vie ».
Nostalgique d’une époque évanouie, Simon Liberati n’a pas fini de raviver le Saint-Germain de Proust et les sixties décadentes. « On dirait un livre de vieux », médirait-on à l’instar d’Alexis, le plus jeune mais pas le moins cruel de ses Démons, si l’on voulait être méchant. Mais ce serait facile et injuste tant la grâce de la plume le dispute au charme obscène de cette fratrie maudite dont les frasques fascinent, outre le lecteur, Truman Capote, Andy Warhol, Tennessee Williams et bien d’autres spectres emportés dans cette flamboyante valse avec la mort.